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Le soleil bien timide jusque-là s’enhardit à réchauffer les premiers jours d’avril. La bienfaisante volupté que la nature entière attendait fait exhaler les fragrances, mûrir les saveurs. Celles imaginaires encore car lointaines, sont précédées de celles toutes fraîches que les hasards de la promenade te font découvrir.

Au creux des broussailles, une nappe de violettes s’offre au regard. Tu ne peux t’empêcher d’en humer le parfum bien sûr, mais aussi de porter à ta bouche deux ou trois d’entre elles. La douce onctuosité de la tige te surprend, cette tige si frêle et si menue sur ta langue. C’est avec grande délicatesse que tu en aspires le suc raffiné. Il est aussi doux et subtil que le parfum de la fleur, sucré déjà comme cette petite violette pourra le devenir plus tard, lorsque le confiseur l’aura figée sous un croustillant nappage de sucre aux éclats cristallins, juste craquant sous la dent.
Tu aimes moins les appétissantes jacinthes sauvages et les petites clochettes d’un bleu pervenche. Elles dardent leurs hampes colorées sous la désaltérante rosée, mais elles laissent en bouche un fluide légèrement visqueux, fade : tu nettoieras prestement ce goût désagréable. 
Dans la haie voisine, le prunelier est en fleurs pour le moment. A chaque fois que tu le frôles même en plein hiver, tes babines se retroussent. C’est plus fort que toi, la seule évocation de l’agressive acidité de la prunelle juste cueillie te submerge. Elle attaque de front : langue, palais, papilles, elle décape sans façon l’extrémité de chacune de tes dents. Tout ton corps se rebiffe, ton visage se crispe, tu recracheras la jolie baie au loin.
Cet été derrière la haie du prunelier, tu glaneras certainement un grain de blé après la moisson, un petit grain très dur, récalcitrant à se laisser apprivoiser par ton palais. Il révèlera sa poudreuse texture de froment grâce à ta salive, appelée en urgence. Petite satisfaction de glaneur, en attendant la moelleuse consistance de la mie encore toute chaude du pain bien cuit, et le joyeux craquètement de la croûte dorée, croquée avec délice.

Fredaine

Tag(s) : #Textes de l'atelier, #Fredaine
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