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Un kabbaliste astrologue énuméra les diverses vies que j’avais traversées.

Je fus étonnée car l’une d’entre elles m’était apparue lors d’un rêve que j’avais eu à Londres à l’époque de mes expérimentations lamentables avec la vie alternative des fumeurs de haschisch au 20ème siècle.

En parcourant avec moi l’arbre des sephirot que j’ai depuis égaré, il avait vu trois de mes vies antérieures

J’avais été guérisseuse, guerrière et disciple à des époques lointaines et pas bien définies. Fierté et humilité s’alternaient à  parts égales  le long de ces chemins.

 J’avais rêvée de mon passage de guérisseuse dans les contrées de Bohême.

Je m’étais vue dans les champs matinaux recouverts de brouillard, foulant des pieds l’herbe humide à la recherche de plantes pour soigner mes malades.

Les affections les plus diverses et terribles sévissaient dans nos pauvres villages et je m’évertuais à les aider avec les connaissance transmises par ma mère qui, avant son exil d’Espagne, avait pratiqué cet art bénéfique.

La transmission s’était faite dans le secret. La mémoire de mon grand-père, brulé dans le premier autodafé de de Séville avait scellé nos lèvres.

Nous murmurions les formules et nous prions Ashem de nous protéger, nous et nos descendants.

Le sort voulu qu’après avoir enterré ma mère et mes frères je fus dénoncée par Oleg, le meunier du village à qui je m’étais refusée.

Je dus partir la nuit avec mes pauvres possessions et je vécus indigente et terrorisée, terrée, dans les lieux ou je me posais pour de brèves périodes.

J'avais appris à tisser et pendant un temps je séjournais dans les montagnes du nord de l’Italie ou pour une pitance j’opérai sur le grand métier de Brixen. Apres un échange houleux avec une femme qui me haïssait, je décidai de partir à nouveau et ma petite de dix ans à mes cotés j’échouais à Venise ou je vécu pour le restant de mes jours.

A partir de là mes traces se perdent.

Je fus aussi un guerrier hermaphrodite, tenu pour sacrée par certains et de monstre effrayant, pouvant jeter des sorts, par d’autres.

Mon roi me reconnut comme serviteur loyal et courageux. Apres avoir combattu une longue guerre que nous avons perdue, je me refugiai dans les montagnes de Thessalie ou avec mon maigre troupeau je finis mes jours fier et solitaire.

A l’époque du Maharal de Prague, béni soit son nom, je me dévouais âme et corps à son bien-être, je fus aussi sa disciple et je lui donnai une abondante progéniture.

De tous mes enfants ce fut ma fille Perle qui continua la longue tradition de savante, à une époque ou les femmes étaient reléguées à des tâches domestiques. Son père, béni soit son nom, créa le golem, protecteur des juifs opprimés. Il aimait Perle par dessus tout et accéda à son désir. Elle étudia comme ses frères, de façon secréte et épousa jeune, Léon de Modène, brillant médecin à la cour du Duc.

C’est d’elle que naquirent les générations italiennes.

Giuditta sort de l’oubli un instant, je la vois avec sa crinière léonine et se yeux de jais crier au vent son besoin de liberté. Elle se bâtit pour l’Independence de l’Italie à coté de Cavour et Mazzini, fit de la prison, finit ses jours entourée de respect et de sollicitude.

Son arrière petite fille Eva eut moins de chance, elle se bâtit aussi pour la liberté, dans le maquis du Piémont contre les allemands qui avaient occupé son pays mais elle fut capturée dans les montagne au nord de Turin et elle fut envoyée à Birkenau d'où elle revint vivante mais morte.

Apres elle, Riva a continué le chemin initié à l’aube des temps; elle fit sa médecine à Londres et découvrît des remèdes qui feront surement un jour reculer la plupart des maladies.

Mes ascendants se sont perdus dans la nuit des temps. Vagues sont les rêves d’Espagne, et des pays helléniques et maures ou, pourtant bien accueillis, nous prospérions dans une alternance de paix et de persécutions.

Les visions du kabbaliste, au nombre de trois, ouvrirent pour moi un petit nombre de portes du souvenir.

Les six déesses de la guérison se penchèrent sur nos berceaux et ainsi commença notre quête de savoir. D’elles nous nous réclamons.

Le souvenir des exactions, du rejet et de la souffrance, endurés siècle après siècle, forment un fleuve qui serpente les ères et l’espace et dans lequel se jettent les générations. Des lignées de femmes fortes et pliantes, soumises mais jamais domptées qui n’ayant pas oublié ont maintenu le lien. Des siècles d’actions méritoires qui leur ont valu de former un cercle de renaissance à jamais ininterrompu, les immortelles.

"Tous les fleuves vont à la mer…et la mer n’est pas remplie."1 D’abord souterrains ils émergent dans le vaste océan ou leur parcours se rencontrent et s’enchevêtrent.

1. Elie Wiesel

Corinne-Olga B.

Tag(s) : #Corinne-Olga B., #Textes des participants, #Les immortels
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