Je suis en bateau et je navigue entre les îles du Péloponnèse. Le dîner s’achève. Je vais fumer mon cigare sur le pont supérieur. Le vent se lève. Nous devons passer les caps Maléa et Tenare. Le cigare terminé, je regagne ma cabine avec quelque difficulté de tangage ou de roulis, probablement les deux à la fois. Le sol semble se dérober sous mes pieds. Je me couche rapidement afin d’éviter une chute éventuelle. Une nuit agitée et chahutée commence mais je me sens en sécurité sur ma couche étroite. Je respire profondément pour me détendre. J’entends l’eau se fracasser sur le hublot. Le placard de l’armoire s’ouvre et se referme régulièrement. Il y a un autre battement que je ne discerne pas très bien. J’entends des flacons glisser dans la salle d’eau, mais je n’ai pas envie de me lever pour aller voir car je prévois un équilibre déficient ; ça tangue, ça roule. Avec mon corps, j’essaie de suivre les mouvements du bateau en respirant bien.
Vais-je pouvoir m’endormir avec tous ces bruits et ce ballotement incessant mais assez régulier. Pourquoi ne me laisserai-je pas bercer tout simplement comme dans un hamac balancé par le vent ? Ce sont les battements et les glissements qui me gênent le plus. On est sûrement en train de passer les fameux caps annoncés. Finalement, le Donormyl avalé finit par faire son effet et je me sens plonger doucement dans les bras de Morphée ou plutôt de Neptune.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, les visages des autres passagers sont plutôt tirés et les yeux cernés. La plupart des autres voyageurs ont été malades toute la nuit. Ils n’ont sûrement pas accompagné avec leur corps les mouvements du tangage !
Pascale G.
(Illustration : Ivan Constantinovitch Aïvazovski - Mer agitée la nuit)