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En forêt de Senonches pour écouter le brame du cerf.

Il est 20 heures. Nous arrivons au lieu de rendez-vous : le Grand Rond. Il fait déjà nuit. Les voitures sont stationnées sur cette immense clairière et 50 personnes attendent fébrilement. Dans la pénombre, on ne distingue pas les visages mais simplement les silhouettes. Un homme se détache du groupe et nous lit des poèmes qu’il a écrits pour nous préparer à ce moment étrange ; il nous parle de la forêt et des cerfs qui se défient dans les combats pour séduire les biches. On attend que tout le monde soit arrivé puis nous sommes partagés en deux groupes pour une longue marche silencieuse dans la nuit sur un large chemin blanc éclairé par la pleine lune. Interdiction de parler.

Nos yeux s’habituent à cette pénombre qui n’en est pas vraiment une puisque la lumière blanche de la lune nous éclaire presque comme en plein jour. Le silence est profond et presque oppressant. On est content de ne pas être seul. Les hautes futaies s’élancent vers le ciel étoilé. Les couleurs ont disparu, tout est blanc, gris ou noir. Rien ne bouge, aucune brise ne fait frémir les feuilles. Nous avançons d’un bon pas tous ensemble derrière une femme qui nous guide. Quelques chaussures crissent sur les pierres du chemin. Les sous- bois à gauche et à droite sons transpercés de cette blancheur lunaire.

Nous arrivons sur une autre clairière et la femme nous fait signe d’arrêter. Nous restons immobiles pendant une demi-heure environ. Un gros tas de bois me sert d’appui pour mes reins, une odeur de bois humide fraîchement coupé m’envahit. J’observe et j’écoute comme les autres, tous mes sens sont en éveil et j’essaie de me concentrer. Mon imagination vagabonde et invente des silhouettes qui se frôlent entre les arbres puis disparaissent. La lune est énorme et paraît se déplacer lentement. Les ombres sont gigantesques et inventent des paysages étonnants. Pas de craquements, tout est immobile, le silence est total et bouleversant.

J’ai beau écouter attentivement mais je n’entends rien et pourtant je tends l’oreille intensément. Je prends alors conscience de ma surdité lorsque les autres m’apprennent qu’ils ont vaguement entendu des brames dans le lointain. Ont-ils une imagination auditive ?

Nous retournons au Grand Rond par le même chemin. Les sous-bois sont toujours aussi sombres mais transpercés par cette lumière blanche qui s’étend mystérieusement derrière chaque tronc quand elle le peut.

Je n’ai donc rien entendu mais quelle belle promenade pleine de sensations nocturnes. Mon imaginaire visuel s’est en fait substitué à ma faille auditive et je ne regrette rien.

Pascale G.

Tag(s) : #Pascale G, #Le brame du cerf, #Textes de l'atelier, #La Passagère
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