Passe-Rose, été 2003.
La canicule s’est installée peu à peu sans prévenir. On s’est laissé prendre, on ne s’y attendait pas. Au début, j’ouvrais portes et fenêtres, heureuse que l’intérieur de la maison se réchauffe. Puis, petit à petit, la chaleur est devenue suffocante ; un soleil de plomb s’abattait sur tout, la pelouse était devenue un tapis brosse, les oiseaux ne chantaient plus. Il fallait attendre 23 heures pour commencer à mettre le nez dehors. Je n’ouvrais plus portes et fenêtres, mais la chaleur avait pris possession de la maison malgré ses gros murs épais. Nous ne sortions plus, nous vivions dans le noir en très petite tenue.
Alors, nous avons eu une idée géniale. La mare étant asséchée, d’ailleurs elle ne tenait pas l’eau, nous avons acheté une piscine ronde en plastique bleue gonflable d’un diamètre de 3,50m à peu près et l’avons installée à l’emplacement de la mare. Nous l’avons remplie avec le tuyau d’arrosage, nous avons acheté les produits nécessaires afin que l’eau ne vire pas et une petite échelle pour y accéder facilement. C’était très laid mais magique. J’avais mis d’énormes bégonias tout autour pour décorer un peu. On avait de l’eau jusqu’à la ceinture, la surface permettait de faire deux petites brasses, c’est tout. Mais quel bonheur de se tremper et de se retremper. L’eau restait un peu fraîche et nous procurait un bien être indicible. Nous découvrions la caresse liquide, on ressortait ragaillardi et nos corps séchaient en 3 minutes.
Quand les enfants et petits- enfants venaient, c’était la folie ; grands et petits s’ébattaient dans ce liquide frais et bienfaisant.
J’avais placé une bassine pleine d’eau devant l’échelle pour que chacun puisse se tremper les pieds avant l’immersion afin de ne pas salir la très grande bassine nommée tout de même piscine.
Le soir, avant d’aller se coucher, on faisait un petit bain de minuit sous le regard de la lune qui nous éclairait. Le liquide semblait plus doux et nous enveloppait dans sa fraîcheur immobile et noire, on flottait paresseusement et on avait envie d’y rester.
Les amis venaient aussi « faire une trempette » pendant l’apéro que l’on prenait souvent dans l’eau. La bonne humeur était rafraîchissante et tout le monde était ravi.
Cette canicule prit fin bien entendu avec de violents orages. Un matin, la piscine était devenue une île, elle était entourée d’eau et les bégonias tentaient de flotter désespérément.
Petite fiction : bloqués dans une voiture un jour de canicule
J’ai dit à Benjamin que j’allais le chercher à Roissy Charles de Gaulle. Quelle mauvaise idée, il pouvait très bien prendre le RER. Il faut toujours que je me crée des obligations imbéciles ! Bon, c’est comme ça.
Je suis très en avance mais j’ai l’impression que je vais être en retard. Je n’avance pas, il doit y avoir encore des travaux ou un accident. L’immobilité est absolue. La climatisation m’entoure d’une ambiance agréable, France Musique déroule son programme avec Cassart toujours aussi pointu dans ses descriptions musicales, je prends mon mal en patience.
Je regarde à droite, à gauche, les gens sont comme moi, ils attendent, avec le portable collé à l’oreille.
Le temps passe et rien ne se passe. J’ai envie de fumer un petit cigare mais je n’ose pas, ouvrir la fenêtre avec cette chaleur, c’est idiot. Un jeune homme à côté ouvre la sienne et fume, cela me donne envie, je n’y tiens plus et fais la même chose. Nous nous faisons un petit clin d’œil de fumeurs et commençons à dire des banalités correspondant à la situation d’immobilité que nous sommes en train de vivre, du genre : « quelle chaleur ! pourquoi on n’avance pas, travaux ou accident ? Je vais chercher un ami à Roissy, son avion atterrit à 19h, il est déjà 18h…et vous ? « Moi, je prends un avion à 22h, ce n’est pas gagné ! »
Le jeune homme se trouve dans la voiture de droite. La voiture de gauche est habitée par un homme, plutôt senior, il gesticule et semble nerveux. Il ouvre sa fenêtre et me regarde intensément, j’ouvre mon autre vitre, il me dit : « Excusez-moi, Madame, mais je ne me sens pas bien. » - « Que puis-je faire pour vous ? » - « Vous n’auriez pas une bouteille d’eau ? Il faut absolument que je boive. » - « J’ai la mienne, mais elle est commencée. » - « Oh, ce n’est pas grave, s’il vous plaît. » Je lui passe ma bouteille d’eau avec du rouge à lèvres sur le goulot, ce n’est pas très hygiénique ! Je le vois boire goulûment mon eau tiède. « Merci beaucoup Madame ». Il me tend ma bouteille presque vide. « Mais je vous en prie Monsieur. »
Puis, tout à coup, il s’affale sur son volant. Je suis affolée et m’écrie : « Monsieur, Monsieur ! » Il ne répond pas. Je me tourne vers le jeune homme de droite et lui dis : « Hé, regardez, mon voisin de gauche a un malaise. Que faut-il faire ? On est coincé dans cet embouteillage. »
Le jeune homme me regarde et me dit avec un ton tragique : « mais plus rien, Madame ! »
Passerose alias Pascale G.