Participer à l’innocence
L’innocence, c’est une feuille blanche non écrite, un moment arrêté dans le cours du temps qui passe, l’oubli de soi et parfois l’oubli des autres, une improbable parenthèse de la vie.
On la trouve ou on la retrouve sans cesse, on la perd et on la reperd, on en rêve, on la suit, on la poursuit sans jamais vraiment la trouver ou la retrouver.
Il suffit d’un rien, d’un ciel nuageux, du silence en forêt, de la contemplation du monde animal autour de soi pour retrouver ou trouver l’émerveillement de la découverte, de l’abandon à l’étonnement de la différence.
Car l’innocence, c’est parfois simplement la différence.
Dans une ferme où résidait un taureau et un troupeau de moutons dans un immense champ, le taureau venait tous les soirs avec régularité à 17h15 manger son seau de graines qui semblaient représenter pour lui le summum des délices. Un jour, deux brebis vinrent à la même heure et commencèrent à se restaurer avec les graines. Que fit le taureau ? Il ne disait rien et restait à les regarder déguster son mets favori. Il fallut déloger les brebis pour qu’il puisse manger.
La tolérance des animaux entre espèces est souvent remarquable. Il y a là tout le mélange de conflits et d’innocence, de collaboration et d’agressivité qui se manifeste dans toute la chaîne de l’évolution.
Observer les animaux nous permet de sortir de nous-mêmes, de nos jugements souvent trop simples sur les comportements humains.
A contrario de la tolérance du taureau avec les brebis, j’ai observé cet été des moineaux nichant tous les ans dans une anfractuosité en haut d’un mur de la maison. Le moineau d’une première portée, aux plumes encore duveteuses et ébouriffées, se tenait sur la gouttière et regardait ses parents qui venaient nourrir la nouvelle portée. Et quand le parent nourricier partait, il se précipitait vers les oisillons qui croyaient voir revenir un des parents nourriciers et ouvraient grand le bec. Il devait y rester un peu de la bouillie de nourrissage, car le jeune moineau se restaurait alors dans leur gosier. Petit voleur !
La nature est diverse et son observation complexifie nos perceptions, elle nous apprend à acquérir une certaine distance dans nos jugements. C’est cela aussi le retour de l’innocence.
Christine L.