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Ils avaient interdiction d’y toucher.

Nul besoin de ce diktat, personne ne s’en approchait. On eût dit une momie.

Terrifiante poupée de porcelaine, teint grisâtre vaguement surmonté, sur les deux joues, d’une touche de vieux rose. On eût dit des gommettes.

Deux yeux d’un bleu inquiétant, fixes, qui vous transperçaient. On eût dit qu’ils vous lardaient d’ondes maléfiques.

Lèvres pincées, minces, figées en un rictus horizontal.

Ses cheveux devaient avoir été confectionnés en poils de caniche grabataire. Secs et vaguement jaunes.

Elle se tenait debout, très droite, bras légèrement écartés… elle s’apprêtait à nous attraper.

D’ailleurs, chacun effectuait un détour discret devant la châsse où les grands-parents l’avaient installée pour semble-t-il l’éternité.

Vêtue entièrement dans les tons de blanc cassé, ivoire et beige, elle régnait sur le salon.

Dotée de parole, elle en aurait des choses à raconter, comme la fois où les ouvriers qui réparaient le mur de la cheminée étaient tombés sur ce vieux coffre en bois niché précieusement à deux mètres de hauteur.

Les pièces qui tintinnabulaient à l’intérieur ne laissaient aucun doute sur son contenu. Hop, ni vu ni connu = disparu !

Et celle où la grand-mère avait embrassé l’oncle Charles. Sur la bouche ! oui, oui !

Et ce sale gosse qui mettait des coups de pied vicieux à ce pauvre vieux chien bien en peine de se défendre.

Oh oui, elle en aurait des choses à dire. 

Maintenant devenue témoin involontaire de cette vie si ordinaire depuis qu’elle n’était plus un jouet, mais bien une statue mal-aimée.

Agnès C. 4/03/2024

 
 
 
 
 
Tag(s) : #Faire parler les objets, #Agnès C., #Textes des participants
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