Le village englouti
Petite je suis allée en Août avec mes parents et ma famille pas encore trop nombreuse, car nous n'étions alors que 5 enfants, dans une petite pension de famille dans le Jura. J'avais alors 13 ans et quel régal de ne plus jouer à la « petite mère » et enfin de se faire servir.
Ce village était tout petit et la surveillance de mes parents relâchée.
Nous allions après la sacro sainte sieste au bord de la rivière. Je n'avais jamais vu de rivière habitués que nous étions du bord de mer. Le fils du paysan voisin nous y rejoignait avec son tracteur. Il m'initiait au roulé du petit gris qui m'arrachait la gorge et je suis même montée sur son tracteur !
Les enfants pauvres, mais heureux, de ce village m'ont fait prendre conscience qu'une liberté existait. Des jouets en bois, qui pour moi fillette de la ville, me paraissaient désuets, étaient fabriqués dans ce village et j 'ai gardé longtemps le chant des tours dans mes oreilles et l'odeur des copeaux virevoltant dans le soleil. Nous en avons acquis quelques uns et gardés longtemps avant de les « refiler » aux petits frères et sœurs.
J'ai fait grande provision de souvenirs car nous savions que l'année d'après ce village serait englouti. Le lac de Vouglans était gourmand et Brillat par Charchillat n'a plus été là, à l' exception du clocher de son église.
J'y suis retournée plus tard et n'ai rien reconnu. J'ai ressenti un grand manque et regretté de n'avoir gardé en souvenir une de ces toupies ou crécelles en bois fabriquées l'année de mes 13 ans.
Ici, photos du village englouti : https://www.flickr.com/photos/asphor/albums/72157603819858935
Russie
Une fois encore, j'ai rêvé de ce voyage possible vers la Russie.
Une fois encore, je me dis que, depuis toute petite vers mes 10 ans, j'ai rêvé d'y aller pour retrouver des souvenirs enfouis et oubliés.
Une fois encore je me dis que des sables mouvants pour mémoire, ne me satisfont en rien.
J'ai rêvé de partir et de poser mes pieds sur du solide, vers la Russie, car je pense que là est mon commencement.
Une fois encore, je crois que ce voyage lointain m'apportera l'apaisement.
J'ai rêvé que mes racines me réconcilieraient avec la vie.
Une fois encore, je refais le même rêve de cette terre qui peuple mon imaginaire et je me dis, qu'après 60 ans de rêves, il est temps de partir.
Anne-Marie Margout