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Empruntant le mot utilisé par l’auteur Marie-Hélène Lafon dans son ouvrage Nos vies, je vous raconterai comment, à deux moments précis de la journée, on peut « s’enroutiner » avec son chien.
En l’occurrence il s’agit d’une petite chienne. Arrivée juste sevrée dans la famille, elle devait être mise aux normes de la maisonnée. En clair, il fallait la dresser ce qui dans bien des cas s’apparente à la routine, le dressage étant largement fondé sur la répétition. La soupe du soir puis le dîner des maîtres faisaient l’objet de rites tout particuliers : gestes à répéter, toujours dans le même ordre, inlassablement ; intonations à moduler tout aussi rigoureusement, cajolantes ou fermes.

Voici le déroulement de la soupe du soir.

Premièrement : prendre la gamelle par terre en la faisant tinter de façon si caractéristique que la petite chienne sautera de joie.
Deuxièmement : une fois la chienne parfaitement assise et immobilisée par l’ordre : « Pas bouger ! » accompagné des deux index dressés autoritairement vers le ciel, aborder alors la troisième étape : remplir la gamelle en répétant combien cela semble bon, appétissant.
Quatrièmement : poser la gamelle juste devant les pattes rondes et pataudes de ce petit chiot resté sagement assis sur son arrière-train.
Cinquièmement : encore une fois, dressage et routine exigent, répéter l’ordre « Pas bouger ! » pour maîtriser le frétillement de carpe qui agite la petite bête. Ne pas se laisser attendrir par l’œil brillant, ni par la truffe humide.
Sixièmement : pointer les index vers la gamelle en disant : « Manger ! ».
Septièmement : flatter de la voix le bel appétit de la petite vorace qui dévore à grands bruits sa pitance. Puis la laisser tranquille.
Et enfin huitièmement : quand elle a terminé, tout en la félicitant, lui essuyer soigneusement les babines, surtout si le repas s’est déroulé à l’intérieur de la maison. En effet, la maîtresse de céans n’aime pas les traces de soupe de chien sur les tapis.

Vient ensuite le dîner des maîtres.

Lorsque vous passez à table, bien évidement la petite chienne d’un coup de tête sous votre coude se rappellera à votre souvenir pour quémander quelque bon morceau, ce qui - tout aussi évidemment - est hors de question. Il convient donc de donner à l’animal l’habitude de s’éloigner de la table.

Nous avions à l’époque un tapis circulaire noir, sur lequel elle devait se rendre à l’injonction « Tapis noir ! » accompagné du geste autoritaire montrant ledit tapis. Elle obéissait, rassurée puisque nous avions remarqué sa présence. Le temps passant, le tapis vint à changer ; il fut remplacé par un autre, de couleur blanche, d’un beau blanc écru. Eh bien, savez-vous ce qui arriva ? L’injonction « Tapis noir ! » resta. Dès l’ordre donné : « Tapis noir ! » la petite chienne, devenue adulte, obéissante se rendait en trottinant sur le tapis tout blanc, au centre duquel elle s’asseyait, bien droite, la tête légèrement penchée, attendant une récompense. Qui perçut en premier le comique de cet ordre devenu absurde : elle ou nous ? Quand la routine simplifie la vie …

Fredaine

Tag(s) : #Textes de participants, #Fredaine, #La Passagère
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