Pourquoi se retrouvait-elle dans ce train, elle se posait encore la question ?
Elle était amoureuse folle, folle, elle savait qu’elle l’était devenue.
La folie d’amour, dans ce train, se transformait en folie tout court.
Folie d’avoir abandonné cet homme, folie qui lui tombait dessus maintenant qu’il n’était plus avec elle.
Cette folie la possédait toute entière, elle l’avait emporté dans ce train qui lui faisait fuir Paris.
Pourquoi fuir quand on est heureux ?Mais justement, elle se disait que trop de bonheur la rendait folle et que s’il la quittait, s’il l’abandonnait, un trou l’engloutirait.
Alors, la rupture, c’est elle qui en serait la cause.
Au moins, cet acte lui appartenait, elle en avait la responsabilité, elle pouvait être folle et en jouir .
Cet événement de la jouissance d’un corps, elle ne la remplaçait pas, elle la déplaçait.
Et ce déplacement lui permettait d’être libre, libre d’attache et d’amour, libre d’être folle et d’en jouir.Cela avait un prix, elle le savait, le pressentait.
A la fois, elle en acceptait les risques, pour elle, c’était aussi cela être vivante.
Le train était pratiquement vide, elle entra dans un compartiment où un homme d’une soixantaine d’années somnolait. Il avait dû être beau et les restes de cette beauté étaient ancrés dans sa peau, son sourire, son visage buriné par les ans, probablement aussi par l’alcool.
Cet homme lui rappelait son père, qui buvait dans sa cave, domaine clos où sa femme ne s’autorisait pas à descendre.
Un fauteuil Louis XVI à côté de la réserve à charbon, un verre en cristal de Bohême, un tire-bouchon en pied de vigne et une cave impressionnante de Château neuf du pape, de côtes de Blaye et de Saint Emilion, et d’une déclinaison de Bordeaux grand cru.
Elle aimait embrasser son père, sur les deux joues pour sentir son haleine alcoolisée. Plaisir coupable, elle le savait bien, mais qu’elle recherchait chez l’homme, tous les hommes qui l’avait faite chavirer.
L’haleine qu’exhalait ce beau mâle lui plut. Elle se sentait bien, installée en face de lui.
Elle sut de suite qu’elle jouait avec le danger, mais elle y allait, emportée par ce qu’elle savait qu’elle allait trouver avec lui.
En lui parlant de sa vie, elle voyait bien qu’il était intéressé, se dit un moment que c’était son discours qui lui plaisait, mais en arrière-fond, elle sentait que c’était son corps qu’il avait envie de prendre. Un parfum d’interdit se rappela à elle.
Véronique M.