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Naître, ça ne se décide pas, on y est pour rien. C’est le désir de nos parents qui nous a fait arriver sur terre.

Alors, plutôt qu’un endroit, j’aurais aimé ne pas naître. Quelle vilaine pensée me direz-vous, et bien ,tant pis, c’est dit ! Car mourir, c’est une sensation que j’ai connu à la mort de ma mère, lorsque, lâchée sans bastingage où se raccrocher, je ne songeais qu’à la rejoindre.

Car, d’où je viens, il y a tant de disparitions, tant de morts, tant de meurtres, tant de suicides qu’un autre départ eut pu me rendre plus sereine dans ma jeunesse.

Porter un héritage lourd et surtout inconnu m’a empêtré longtemps dans les non-dits, les secrets, les faux-témoignages et j’en passe.

J’ai compris en me bagarrant avec moi-même que l’héritage n’est pas tout et que sa carte à soi, non seulement on peut la jouer différemment, mais qu’une part de soi existe en dehors de l’autre.

A force de faux-pas, d’erreurs, de précipices, j’ai trouvé un endroit pour moi qui me permette de créer ma vie, d’inventer ce que je ne savais pas et que l’on voulait me cacher.

Un père abandonné qui ne me révélera son adoption qu’à mes 30 ans, une mère moldave qui a fui la révolution russe de 1917 quand elle avait 2 ans et demi avec sa sœur de 18 ans, sœur qui lui a servi de mère, et un frère de 8 ans. Ils ont traversé la Roumanie à pied, créant une petite troupe de danse en se produisant dans les cafés et tous les lieux qui voulaient bien les faire travailler.

Mais cela, je ne l’ai su que tard car ma mère est morte lorsque j’avais 2 ans et demi. Tout fut fait pour cacher, masquer une vérité des faits qu’à l’époque, les adultes pensaient inconcevable pour des enfants.

Nous étions 3 sœurs, mon père ne voulut pas que nous assistions à l’enterrement, d’ailleurs, voulait-il encore quelque chose à part se tuer !

A partir de ce temps, nous fûmes, mes sœurs et moi, en rupture permanente, allant de chez mes grands-parents paternels pour ensuite se retrouver dans un lieu de province inconnu avec une femme inconnue. Cette femme nous a donné de l’amour, beaucoup d’amour pour nous faire renaître. Nous y étions bien, chouchoutées, et enfin sur un terrain stable.

Mon père, après un suicide avorté, alla vivre chez ses parents et ne venait nous voir que certains week-end que nous attendions avec impatience.

Et puis, une jolie femme de l’entourage de cette femme vit mon père, sa détresse et décida de le sauver.

Les parents de mon père étaient communistes, elle était très catholique, elle s’employa donc à le convertir et nous fûmes baptisées.

Mon père devint mystique et se mis à tenir debout, enfin pas toujours. Ma belle-mère ne voulait pas de nous et nous avons passé de nombreuses années en pension.

Alors, dès mes 21 ans, je partis de chez eux, pensant que le bonheur était au dehors !

Je rencontrais un homme dont je tombais amoureuse et mon fils naquit de ce coup de foudre. La passion tomba assez vite, il devint violent et je partis avec mon fils. Il mourut à 30 ans, d’errance et d’impossibilité de vivre sa vie sans moi.

Alors, mon endroit, ça a toujours été les rêves.J’ai longtemps rêvé ma vie, j’ai trébuché, buté sur des ornières et j’ai commencé , au lieu d’être contre tout, à avancer dans ce que je voulais vraiment .

C’est à l’âge où ma mère est morte, c’est à dire 36 ans, que j’ai rencontré celui qui m’accompagne encore dans la vie, qui a adopté mon fils. Je me suis autorisée à être dans la vie, la mienne à partir de là.

Je sais maintenant que les transformations de ce qui m’a fait souffrir permet que ma vie soit juste et que cet endroit où j’aurais aimé naître, il est intérieur. Cela n’est pas un gage de bonheur, c’est la possibilité de tisser mon chemin jour après jour, et de ne plus avoir peur de la vie.

Véronique M.

 

Tag(s) : #naître, #Véronique M., #Textes de participants
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