Samedi 1er janvier
En ce premier jour de l’année, je quittais la Perrière, empruntant la route de la forêt, des éclats de soleil papillotaient entre les branches dénudées. J’allais rejoindre ma nièce Mireille et son mari Philippe dans un hôtel à proximité de Roissy.
Dimanche 2 janvier
Une convocation aux aurores pour notre vol nous avait incité à passer la nuit à proximité de l’aéroport.
Embarquement sans complication, nos pass sanitaires nous assurant la liberté de nous envoler vers d’autres horizons.
Atterrissage à l’aéroport de Zagreb en tout début d’après-midi, où nous avons la joie d’être accueillis par ma nièce Christine et son compagnon Drago, d’origine Croate, prénom francisé en Charles.
Un ciel voilé et gris nous accueille. Température une dizaine de degrés.
Trajet en voiture, une centaine de kilomètres vers le Nord de la Croatie, pour rejoindre le village de Vucetinec où ils possèdent une maison. La ville la plus proche s’appelle Cakovec, proche des frontières slovène et hongroise.
Pour tous nos trajets en voiture, ‘’Nous’’ les trois femmes seront à l’arrière et les hommes à l’avant.
Nous parvenons à notre destination, la nuit a chassé le jour, un vent froid tourbillonne, pendant la sortie des bagages. Une chaleur bienfaisante nous accueille et un parfum odorant de pin envahit nos narines. Tous les murs et les plafonds sont garnis de bois et restituent l’ambiance d’un chalet.
L’été avait escorté mon premier séjour dans cette maison, dont les travaux étaient inachevés.
Nous visitons la maison et demeurons sous le charme de ce lieu décoré avec raffinement et simplicité. Une ambiance chaleureuse et cocooning en émane. Au premier, une grande pièce haute de plafond et mansardée dans laquelle s’enclavent une petite chambre charmante et une salle de douche confortable. Célibataire, il me semble évident de laisser au couple l’espace le plus vaste.
Un poêle dans l’entrée régulièrement alimenté par Charles, maintient une chaleur diffuse, à l’unisson de l’euphorie de nous retrouver en famille. Dîner autour d’une assiette de saumon fumé, arrosé d’un vin blanc. Conversations animées, peu à peu la fatigue nous submerge et nous gagnons nos chambres.
Lundi 3 Janvier
Brrr… En sortant de ma couette, je frissonne, le froid se fait sentir, je n’ai pas allumé le chauffage pendant la nuit. Discrètement, je sors de la chambre et fais inévitablement une incursion rapide dans la grande ! Jaillissant de la couette, j’aperçois le bras de Mireille qui s’agite et la tête de Philippe qui émerge... Je pénètre dans la salle de douche...
Nous nous retrouvons dans la cuisine autour d’une table haute. Christine s’affaire pour préparer pour les uns, du café et pour les autres du thé. Une bonne odeur de pain grillé vient chatouiller nos narines. Un timide soleil apparaît par intermittence, se faufilant entre les nuages.
Nous quittons cette charmante demeure vers 10h afin de rejoindre le bord de mer à Sibuljina en Dalmatie.
Une halte dans la capitale ‘’ Zagreb’’ est prévue.
Mon premier souvenir de cette ville remonte à quelques années en été.
La ville haute, siège des plus hautes instances de l’Etat et du parlement le ‘’Sabor’’. Demeurent quelques vestiges de remparts, qui dans le passé s’ouvraient par cinq portes. Une seule subsiste ‘’la porte de Pierre’’ qui abrite une peinture attribuée à un maître local du XVIIIème siècle, protégée par une grille en fer forgé chef-d’œuvre de l’Art baroque.
Anecdote amusante qui se transmet au long des siècles : de la tour Lotrscak, vestige des remparts construits au13éme siècle, un boulet de canon aurait été lancé sur les Turcs, emportant le dindon que le cuisinier s’apprêtait à servir au Pacha, déclenchant la fuite des ottomans et préservant Zagreb de la destruction. En rappel de cette histoire, un coup de canon est tiré tous les jours à midi.
La place Saint-Marc abrite une église du même nom d’origine romane. Des voiles la recouvrent en raison des travaux de rénovation. Cette ville recèle de multiples trésors architecturaux et dégage un charme indéniable avec ses rues pavées et bordées de petites maisons multicolores abritant souvent des cafés animés.
Nous rejoignons la ville basse et clôturons notre visite par un déjeuner tardif.
Nous regagnons la voiture, trajet de plus de 300 kms pour rallier le bord de mer. A l’avant comme à l’arrière, les conversations vont bon train.
Nous atteignons ‘’Sibuljina’’. La nuit a pris ses quartiers depuis quelques heures. De la terrasse de la maison, féerique spectacle de la lune se reflétant dans une mer ondulante et capricieuse. Une brise légère et caressante nous enveloppe.
Soirée festive au coin du poêle...Champagne et toasts de foie gras pour fêter ces moments de partage et d’affection. Oubliée la pandémie de Covid et les consignes de sécurité ! Bonheur de s’enlacer et de s’embrasser…
Mardi 4 Janvier
Un combat se joue entre les nuages et le soleil. La douceur règne. La mer a revêtu un habit de grisaille et se fripe sous les assauts du vent. Quel contraste avec le bleu turquoise de la mer en été. J’aime ces teintes passées et empreintes de nostalgie.
Charles nous propose la visite de Zadar, la plus grande ville de Dalmatie septentrionale. Une soixantaine de kilomètres à parcourir. J’ai toujours éprouvé un faible pour cette cité millénaire, malheureusement envahie en été par des hordes de touristes.
Franchissant l’une des portes percées dans les fortifications, nous découvrons un marché aux étalages de fruits et légumes multicolores.
Surprise de parcourir les rues désertes, de nombreux commerces, des cafés et restaurants rideaux baissés. Un vent violent soulève des nuages de poussière. Petit tour de la ville qui forme un quadrilatère entouré par des fortifications et la mer. La plus ancienne mention de la ville de Zadar remonte au IVème siècle avant J-C.
La ville alterna des périodes d’autonomie avec des périodes de dominations : les Vénitiens, les Turcs, les Français, les Autrichiens, pour finir par être dévolue à l’Italie en vertu du traité de Ravallo en 1920, avant d’être rattachée à la Croatie après la Seconde Guerre mondiale.
Zadar abrita la plus ancienne université croate, fondée par les Dominicains en 1396. Aujourd’hui la faculté est le centre de la vie scientifique et culturelle.
Il serait trop long d’énumérer tous les joyaux et les trésors architecturaux de cette ville.
Je me dois d’évoquer les orgues marines de Zadar... qui se trouvent sur le port, au bout de la jetée. Un dispositif d’une longueur de 70 mètres et composé de 35 tuyaux métalliques. Le vent s’y engouffre et renvoie un air musical. Le jour de notre visite, un vent violent soufflait et les orgues se déchaînaient.
Un déjeuner délicieux dans le restaurant ‘’Les cinq puits’’, à proximité de la place du même nom où siègent cinq puits.
De retour, plaisir de s’adonner à notre passion commune pour le scrabble, parties à quatre, Charles fuyant les jeux. Les parties se déroulent rapidement et nous enchaînons sans répit, jusqu’à une heure tardive .Finalement, la voix de Charles s’élève, réclamant le dîner.
La maîtresse des lieux nous propose un apéritif avant de s’atteler à réchauffer une soupe préparée par ses soins en été et sortie du congélateur quelques heures plus tôt, complétée par deux fromages croates.
Mercredi 5 janvier
La bora souffle par rafales violentes et chasse les nuages, un bleu limpide envahit le ciel, la mer déchaînée se couvre de nuées blanchâtres.
Journée sans long trajet de voiture. Promenade dans le Velebit, massif montagneux qui domine la côte, vers deux villages abandonnés et actuellement en cours de restauration. Balade que j’ai eu la joie d’effectuer en été à plusieurs reprises. Le panorama qui s’offre à nos yeux nous arrache des cris d’admiration !
Pendant notre grimpette vers l’un des villages, le ciel s’obscurcit...Le hameau semble désert...Un seul habitant visible avec lequel Charles échange quelques mots. Il est monté de la ville seulement pour la journée.
Philippe souffrant du genou, nous abrégeons notre randonnée.
Reprenant la voiture, nous décidons de nous rendre à Starigrad, ville la plus importante de la région pour déjeuner chez Tota, seul restaurant de la ville ouvert à cette saison et qui accueille les clients à toute heure du jour. Étrange sensation en comparaison de l’affluence de l’été, quelques rares passants se pressent emmitouflés, Starigrad semble désertée.
Après un déjeuner délicieux et dans la gaieté, notre retour s’effectue à la tombée de la nuit. Tout en sirotant des tisanes, nous attaquons nos parties de scrabble, environnés par la chaleur du poêle.
Jeudi 6 janvier
La bora souffle toujours avec une vigueur incroyable. Le soleil sautille entre les nuages virevoltants.
Proposition de notre hôte qui m’enchante : virée à l’île de Pad, dont j’aime l’aspect désertique et sauvage. Un pont relie le continent à l’île. Trajet d’une centaine de kilomètres. Premier arrêt pour une pause café dans le village de Posedarje où le vent semble se calmer. Bref répit, car après le passage du pont, lors d’une halte rapide, des rafales violentes nous bousculent. Spectacle époustouflant de la mer couverte d’écume, dans le lointain la chaîne du Velebit se détache sur un ciel noir menaçant.
Nous parvenons dans la ville de Pad. Une localité désertée, pas âme qui vive suivant l’expression ! Les maisons offrent des façades aux volets clos. Restaurants, terrasses, boutiques fermés... Dans ma mémoire, Pad resurgit avec des rues animées et des processions de passants volubiles.
Charles et Christine décident d’aller à Novalja, ville que l’on surnomme l’Ibiza de Pad avec ses nombreuses discothèques en été.
Après quelques kilomètres, nous atteignons une ville animée, des gens dans les rues, quelques restaurants ouverts, le vent semble s’assoupir. L’heure avance, près de 15 h, nous trouvons un restaurant qui nous accueille avec courtoisie. En Croatie, un restaurant ne refuse jamais de vous servir quelle que soit l’heure…
Pag est renommée pour ses dentelles, tradition qui se transmet de génération en génération. Son fromage Paski lui vaut également une certaine notoriété. Il est fabriqué à partir de lait de brebis. La végétation étant rare, les brebis se nourrissent essentiellement de sauge, herbe très aromatisée. L’île étant battue par les vents l’hiver, la végétation se charge de sel qui est ensuite ingéré par les brebis. La conjonction de ces deux facteurs donne au fromage un goût inimitable, que nous avons apprécié avec grand plaisir.
Vendredi 7 Janvier
Le calme règne, la bora s’en est allée vers d’autres horizons.
L’hiver, le ciel se revêt d’un bleu lumineux et éclatant. Le soleil nous inonde de ses rayons bienfaisants. Une belle journée s’offre à nous. Nous papotons et musardons sur la terrasse. Après discussions, nous décidons d’une randonnée dans le massif du Velebit dont le sommet le plus haut, le Mali Rajinac, culmine à 1699 m. Notre entraînement insuffisant nous interdit évidemment de nous attaquer à ce sommet !
En toute modestie une balade dans le Parc National de Paklenica nous satisfera !
Nous pénétrons dans le parc par une gorge qui ne constitue pas l’entrée principale de ce site. De hautes parois rocheuses nous encadrent sur lesquelles s’accrochent des arbustes et des arbres. Mystère de la nature !
Le ciel bleu azur forme une voûte lumineuse.
Au début de notre marche, nous longeons le lit d’une rivière asséchée. Puis au fur à mesure de notre ascension, nous nous en écartons. Peu à peu, le sentier devient raide pour ensuite déboucher sur une zone caillouteuse, peu plaisante pour la marche. Nous décidons de rebrousser chemin et de redescendre.
Regagnant Starigrad, nous faisons quelques courses avant de rejoindre notre cantine, le restaurant Tota.
Une fois rentrés à la maison, nous assistons à un splendide coucher de soleil. Rougeoiement du ciel, lentement l’astre pénètre la ligne d’horizon et s’éteint dans l’immensité maritime.
Une exquise tiédeur envahit l’atmosphère, le soleil joue le fugueur entre les nuages.
Pour ce dernier jour, direction Starigrad pour un café chez Tota, avant d’entreprendre une promenade le long du rivage, tout en discutant…
Ce samedi, la ville et les bords de mer sont plus animés. Des terrasses de café émergent de leur sommeil. Je m’emplis les poumons de senteurs marines et grave dans ma mémoire ses moments riches en émotions et en partage.
De retour à Sibuljina, nous nous affairons bruyamment pour un déjeuner, tardif comme les précédents, discutant et plaisantant, afin de dissiper le parfum de mélancolie qui envahit l’atmosphère... Le soleil nous accompagnera tout au long de cet après-midi. Chacun vaquera à des occupations diverses, avant de clôturer la journée par quelques parties de scrabble et un apéritif copieux et chaleureux auprès du poêle.
Dimanche 9 Janvier
Lever 5 heures du matin. Rapidité des préparatifs ! Un froid glacial accompagne notre départ !
Respect du programme : à 5h45, les bagages sont chargés dans la voiture, les hommes à l’avant, les femmes à l’arrière, nous prenons la route. Plus de 300 kms pour rejoindre l’aéroport de Zagreb. Une halte accueillie avec plaisir dans une station service sur l’autoroute, pour déguster un petit déjeuner mérité.
Suivant les prévisions de Charles, arrivée à 10 h à l’aéroport de Zagreb.
Une vague de tristesse et de mélancolie nous envahit au moment de la séparation avec Christine et Charles qui regagnent Vucetinec.
Un répit bienvenu : je regagne Paris avec Mireille et Philippe... La séparation interviendra en fin de journée et je regagnerai les terres du Perche.