Depuis des décennies, une fin du monde cataclysmique est régulièrement annoncée ! Une prophétie parmi d’autres, celle des mayas annonçait l’anéantissement du monde en 2012…
Je m’appelle Nicolas, je viens d’avoir 18 ans le premier janvier de cette année, soi-disant fatidique pour notre planète et j’aime plaisanter sur ces prédictions infondées…Les jours s’égrènent et je raille tous ces voyants et médiums qui alertent ponctuellement sur la fin de notre planète. Mon géniteur me rejoint dans ces diatribes, en homme de science à l’esprit cartésien.
Et pourtant cette année-là va survenir un tsunami dans mon existence ! Je m’affichais en jeune loup arrogant ! Le créateur voulait-il me punir d’un orgueil démesuré !
Ces lignes, afin de décrire l’aventure extravagante qui bouleversa ma vie et celle de mes parents !
Dès mon enfance, je baignais dans le monde scientifique de mon père. Il débuta et poursuit toujours sa carrière au CERN. Très rapidement il discerna l’intérêt que je portais à la création et à l’innovation. Je ne cessais de le questionner sur les activités de cet organisme.
Lors de mes 10 ans, ma mère me confia que mon paternel, lors de ma naissance, la persuada de m’appeler ‘’Nicolas’’ en référence à un homme célèbre ‘’Le poète de la science’’ comme le surnommait mon cher père ! Il s’agissait de Nicolas Tesla d’origine croate, qui avait conçu le premier moteur à induction à courant alternatif…D’un naturel curieux, je me plongeais dans la lecture d’une biographie sur ce personnage. Ce prénom m’avait-il communiqué le virus de la création ? J’aime le penser.
Petit gamin, mes parents s’apercevant de ma folie inventive, m’offrirent un petit établi avec quelques outils, sur lequel je passais mes heures de loisir. J’ai le souvenir que je raffolais de concevoir des objets, des machines étranges, des personnages variés, fruit de mon imagination. Je récupérais, j’accumulais des morceaux de bois, de métal, des végétaux, des morceaux de tissus…Ma chambre devint une caverne d’Alibaba, au grand désespoir de ma mère.
Toute mon enfance, mon père me communiqua sa passion pour la science. Il me dévoila l’aventure captivante qui se déroulait au CERN : la construction de l’accélérateur de particules qui allait révolutionner la science. Je me plongeais dans les revues scientifiques que recevaient et rapportaient mes parents. Ma mère également appartenait au sérail scientifique. Elle travaillait dans un laboratoire de recherches médicales à Genève.
Pour mes 15 ans, je suppliais, j’implorais mes parents de m’acheter une imprimante 3 D. J’avais potassé le sujet et je savais précisément celle que je désirais ! Inutile de le nier, cela représentait un budget important et je leur démontrai que je saurais l’utiliser à bon escient et que cela ne perturberait en rien mes études. Je leur fis remarquer d’un ton badin que j’avais deux ans d’avance sur mes camarades de lycée. Une soif de création me tenaillait et je désirais tester mes capacités. Lorsque l’imprimante Creality 3 D à résine arriva, je contrôlai difficilement mon excitation. Je me hâtai de la monter, impatient de la faire fonctionner. J’avais lu une série de documents la concernant et je me sentais prêt à l’utiliser. Je la reliai à mon ordinateur, sur lequel j’avais installé un logiciel spécifique de conception d’objets 3D, qui organisait le découpage et l’envoyait directement à l’imprimante.
Le premier objet dont je lançai la fabrication fut un vase que je destinais à ma mère qui le trouva joli et de dimensions harmonieuses. S’ensuivit un vide-poche pour mon père, puis des boîtes rondes et carrées, des sculptures nées de mon imagination. Je créai de petits animaux : chat, chien…
Je dédiais tout mon temps libre à cette imprimante 3 D. Chaque création m’excitait depuis sa conception sur ordinateur à sa transmission à l’imprimante. L’émergence graduelle de l’objet dans le va-et-vient de la machine et la naissance de l’œuvre imaginée m’enthousiasmait !
Une année, à six mois des fêtes de Noël, l’idée germa de construire une crèche. Elaboration sur l’ordinateur des dessins de chacun des personnages et des animaux devant y figurer, sans oublier l’enfant Jésus et le berceau. Je récupérai un carton que je métamorphosai en grotte afin de mettre en scène mes créations. Mes parents me félicitèrent de cette composition réussie.
Mon père me questionna sur mon prochain projet…
Je rêvais de créer un robot humanoïde…
Mon imprimante me le permettait, mais en amont il s’agissait de charger le logiciel, avec lequel je concevrais les parties du corps et le matériel pour la création des circuits électroniques et la programmation des comportements de mon robot. Je me plongeai dans la consultation de différents sites et plateformes sur la robotique afin de mettre mon projet en œuvre.
Mes études étant la priorité, la préparation et la conception des pièces de mon futur robot me prirent plus d’une année. Les grandes vacances arrivèrent : dans le sérail de ma chambre, je pus mettre mon projet à exécution.
Je fais l’impasse sur les longues étapes de la création… Mais je dois préciser que j’avais intégré dans les circuits de mon robot un peu d’intelligence artificielle sans lui fixer de programme précis, incorporant des fonctions de mouvement et de déplacement. Enfin j’aboutis à la phase ultime : le robot assemblé s’offre à mon regard…Je retins mon souffle, partagé entre l’émotion et l’excitation…J’invitai mes parents à monter dans ma chambre, heureux de leur faire découvrir ma création ‘’ Arsène’ ’qui bouge et marche. Tous deux me félicitèrent et affichèrent leur admiration…
Me penchant et saisissant Arsène à mi -corps, je leur fis une démonstration : il bougea ses bras articulés… Le reposant à terre, je le fis marcher et se déplacer lentement…
A ce stade, comment imaginer les bouleversements qu’Arsène allait déclencher, ce robot inoffensif généré par l’informatique, l’électronique et la mécanique.
Les premiers jours, j’invitais mes copains à venir découvrir ses potentialités ! En le voyant soulever ses pieds, marcher, agiter ses bras articulés, je déclenchais leur admiration et leur envie ! Des disques ronds sur la tête, simulaient les yeux et alternativement tournaient dans un sens puis dans l’autre.
Un matin, une quinzaine de jours après sa mise au monde, j’observai une augmentation de sa taille de quelques centimètres. Cela se renouvela plusieurs jours de suite ! L’inquiétude m’assaillit en constatant une prise d’une vingtaine de centimètres…Une croissance inexplicable pour un robot. Quelques jours s’écoulèrent, il atteignit presque un mètre. Complètement déboussolé, j’alertai mon père… qui m’incita à l’éloigner de ma chambre et à le descendre dans le garage de la maison. En le déplaçant, je constatais que son poids avait considérablement augmenté en proportion de la taille !
Par la suite, dès que je pénétrais dans le local, l’anxiété m’envahissait ! Je l’observais sans m’approcher. Sa taille semblait s’être stabilisée. Lors de mes entrées, ses disques oculaires se mettaient furieusement en mouvement ! Je percevais, émanant de cet objet mécanique artificiellement créé, une animosité à mon encontre. Comment imaginer qu’un androïde conçu par ordinateur, puisse devenir menaçant ! Se pourrait-il que l’intelligence artificielle soit l’origine de ces faits parfaitement imprévisibles. Les évènements qui vont suivre, confirmeront cette thèse.
Dans ce garage, existait une armoire dans laquelle ma mère rangeait des produits d’entretien. Oubliant la présence du robot dans la pièce, elle y pénétra et se dirigea vers le placard. Elle fut stoppée dans sa course par Arsène menaçant qui s’apprêtait à l’agresser. Elle fit demi-tour et claqua la porte en hurlant. J’entendis ses cris et je me précipitai au rez de chaussée. Je la trouvai en pleurs et tremblante.
- Nicolas, ton robot devient fou, il est possédé : il voulait me tuer !
Quelques minutes plus tard, éclata un tintamarre effrayant. Le robot devait s’attaquer à l’armoire. On percevait des bruits d’arrachages de morceaux de bois qu’il projetait contre la porte. Puis retentirent des bruits sourds, les murs tremblaient ! Je supposais qu’il cognait les murs en parpaings ! Puis retentirent des sons métalliques, il s’attaquait à la porte du garage ! Pendant un long moment, ce fut un déferlement de violences. Par quel phénomène étrange un innocent robot avait muté en un monstre agressif. Impossible de pénétrer dans le local sans protection et affronter Arsène !
A l’arrivée de mon père, après concertation entre nous et ne sachant comment le neutraliser, nous décidâmes de faire appel aux pompiers. Difficile d’expliquer à ces trois hommes, qu’un robot conçu et fabriqué avec le concours d’une imprimante 3 D, avait pu se transformer en monstre ingérable.
Je leur décrivis mon cheminement créatif et les phases de la fabrication !
Me prirent-ils pour un fou ou un génial inventeur ?
A l’instant ou je terminai mes explications, un bruit d’explosion retentit ! Nous nous sommes précipités à l’extérieur de la maison : la porte du garage avait été arraché et projeté à quelques mètres. Plus de trace d’Arsène !
Embarras des pompiers, comment lancer une alerte sur un objet non identifiable !
Notre maison se trouvait isolée dans la nature au pied du Jura. Les pompiers, nous conseillèrent de garder le silence, afin d’éviter de créer la panique chez les habitants. Ils nous assurèrent qu’ils allaient en parler à leur hiérarchie.
Nous nous repliâmes dans la maison. Mon père, toujours très calme et posé, me suggéra d’obturer la porte entre le garage et la cuisine. Les panneaux de bois de l’armoire éventrée feraient l’affaire.
Je tentais de rassurer ma mère dont je percevais l’angoisse. Pendant le diner, nous avons échangé sur ces évènements, nageant dans une incompréhension totale. Pendant la nuit, nos esprits demeurèrent en alerte, sursautant au moindre bruit. Le lendemain matin, mon père me demanda de m’occuper du remplacement de la porte de garage et gagna le CERN et ma mère son laboratoire à Genève. D’un commun accord, nous avions décidé de ne pas ébruiter cette étrange affaire ! Dans la journée, les pompiers me rendirent visite, aucun signalement d’Arsène…
Trois jours s’écoulèrent, je vis réapparaitre les mêmes pompiers la mine souriante… !
- Votre robot a été retrouvé carbonisé dans les coteaux du jura !
- Il s’est attaqué à un transformateur, vous savez ces énormes armoires métalliques EDF, me dirent-t-ils, ce qui a entrainé la coupure de courant pour un certain nombres de foyers.
Après cette expérimentation, mes velléités de création avec mon imprimante 3 D s’éteignirent à tout jamais. Elle prit le chemin d’une brocante pour d’autres aventures…
Anne P.