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Au premier étage de la grande maison, il y avait les chambres. 

Celle de la grande sœur c' était la première porte à droite,  les petites dormaient dans la pièce suivante, les parents logeaient dans celle du fond tout au bout du long  couloir .  

Une disposition   qui ne répondait à aucune logique particulière, c'était comme ça .

On accédait au couloir sombre par l'escalier pentu  dont les marches me paraissaient très hautes. Dans la pénombre, cette ascension relevait d'un l'exploit qu' il fallait accomplir chaque soir  avant d'aller dormir:  Régulièrement des  gros rats gris se baladaient le long de la poutre étroite qui surplombait la volée de marches, avec une agilité de funambules.    Je frappais des pieds plusieurs fois de suite sur la première marche avant de m'y engager afin de m'assurer que la voie était libre.

Après avoir réussi avec brio l'épreuve de l'escalier, ayant dépassé sans y entrer  le royaume de Sa Majesté ma Sœur aînée qui m'était interdit, j'arrive enfin  dans le souvenir de ma chambre,  la chambre des petites.

Sans le savoir,  nous dormions déjà dans un univers  très tendance,  digne de figurer dans une revue déco pour gens chics et branchés. (A quelques détails près cependant): Plancher de bois brut en châtaigner gris clair car non traité, les  larges planches sont assemblées et cloutées laissant voir les rivets et les veines du bois. 

Murs chaulés vieux rose, (la couleur a été choisie par maman) la peinture est écaillée, par endroits on peut voir des morceaux de l'ancien papier.

 La fenêtre dont le châssis est vert et laisse voir le jardin,  plus loin les prés et les bois,  plus bas la maison des voisines, les dames  Duteil. Nous n'avons pas de chauffage. En hiver,  le froid dessine sur les vitres de la fenêtre des feuilles d'acanthe nacrées, c'est très beau.

Les deux lits sont l'un près de l'autre, parallèles, recouverts chacun  d'un couvre lit à volants en cretonne fleurie de rameaux  roses et verts,dessinés  comme le feuillage merveilleux sur  les vitres en hiver.

  Entre les deux lits, il y a la table de nuit, petit meuble de chêne verni aux montants tarabiscotés, mal foutu, haut sur pieds et recouvert d'un plateau de marbre rose veiné de blanc. Je ne l'aime pas. Il ne faut pas le bousculer en jouant car il contient le pot de chambre dans lequel nous faisons pipi avant de dormir. A l'étage de la grande maison il n'y a pas de toilettes .

On ne disait pas toilettes,  on disait cabinets. C'était comme ça .

Le soir, la petite sœur  s'endort très vite. La lumière reste encore allumée, maman viendra l'éteindre tout à l'heure. Je ne dors pas, je regarde les rayonnages installés dans l'ancienne cheminée qui fait  face à mon lit. Maman aime lire,  elle m'achète des livres.  La Comtesse De Ségur occupe à elle seule toute une étagère. J'aime beaucoup Sophie et surtout le château,  Madame De Réan et la bonne. Le Général Dourakine me dégoutte et me fait un peu peur. L'étagère du dessous est réservée à la Bibliothèque Verte. La reliure et le cartonnage des  couvertures sans images  font de l'effet mais m'attirent moins.  «Sans famille», c'est pas mal quand- même, au fond, je l'aime bien ce petit Rémi, lui non plus n'a pas de chauffage ni de cabinets, pour lui non plus la vie n'est pas toujours rose, mais pire encore, il n'a pas de maman qui aime lire.

 

Pierrette C 

 

 

Tag(s) : #Pierrette C., #Textes des participants, #La chambre d'enfant
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