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Je dépends du vent. Uniquement du vent. Le vent est mon énergie, mon carburant, ma joie de vivre. 

Mes pales s’emballent gaiement à l’aide des bourrasques, elles prennent de la vitesse, tournoyant comme un manège de fête foraine.

Mes collègues et moi nous faisons concurrence, la meilleure place étant aux extrémités de notre champ d’installation.

Chacune vérifie d’un coup d’oeil, à l’aide de nos caméras intégrées, le nombre de tours effectués en un temps record.

Bien sûr que nous occupons une très large partie d’un territoire conquis de haute lutte, ah, ces anti-écolos ! contre tout, tout le temps !

De là haut, environ 150 mètres du sol, j’ai une vue dominante sur la région, les voitures sont minuscules, leurs occupants sont des fourmis. Parfois, ils ralentissent, nous observent. 

Certains humains nous prennent en photo. Leurs enfants nous pointent du doigt en levant la tête, la bouche ouverte sur un O de surprise.

Je pèse plusieurs tonnes et les matériaux qui me composent, l’acier et le béton, sont régulièrement contrôlés par des équipes de techniciens-nettoyeurs. J’aime beaucoup recevoir leurs visites.

Plusieurs petits bonhommes vêtus de combinaisons blanches, harnachés et attachés en haut de mon mât, qui descendent en rappel en se donnant des instructions à l’aide de micros et casques.

Ça m’occupe car ils n’interviennent évidemment que lorsque le vent se repose.

Moi, je m’ennuie lorsque je suis au repos. Entendre ce grand silence est angoissant, j’ai l’impression qu’on va me démanteler. Mes collègues sont dans la même situation : bras ballants.

Et il y a les oiseaux, ces bestioles curieuses qui me tournent autour lorsque je suis à l’arrêt. Il paraît qu’à nous toutes, nous en tuons environ 500 x an. Ils doivent se venger en déversant leurs fientes  sur nous.

Parfois, je rêve de changer de région, de pays, histoire de découvrir le monde.

Nous ne serons jamais autant aimées que les phares, fiers protecteurs des marins.

Alors je rêve qu’un jour, m’inspirant des hélicoptères qui nous survolent parfois, je puisse moi aussi décoller.

Agnès Chatelain

2 mai 2025

Tag(s) : #Textes des participants, #L'objet
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