Des mois, cela fait des mois qu’ils me préparent. Silicone, botox, bistouri, crèmes et repulpants en tout genre. Il fallait que je sois présentable pour la période ; que les grandes fantasment, que les petites me désirent… Et me voilà dans cette vitrine, sous des lumières mauves qui me donnent un teint blafard, au milieu de cartes à jouer stupides qui flottent en apesanteur autour de moi, cernée de guirlandes gigantesques et de boules clinquantes, grotesques. J’étouffe, il fait tellement chaud qu’il se pourrait que je fonde.
Et puis il y a cette robe de soirée, indémodable , ont-ils dit. Je me sens ridicule. Fallait mettre mes seins regonflés en valeur - juste retour sur investissement -, alors peu importe que la robe soit laide ; et puis si je ne suis encore pas vendue cet hiver, je pourrais la porter l’année prochaine… Et mes cheveux, ce jaune doré ! Il accentue le synthétique de leur texture, et je déteste les boucles, je déteste l’image que l’ensemble peut donner de moi.
Non vraiment, ce n’est plus possible. Je ne veux plus être une poupée, je veux une vraie vie, une vie à moi ; pas celle d’une princesse figée sous des spots derrière une vitre, pas une vie de strass et de paillettes, je veux une vie modeste et un peu de liberté : le droit de me balader en jean - baskets, d’avoir les cheveux mal coiffés et les seins perdus dans un pull trop large. Le droit d’aller respirer l’air frais de décembre, d’avoir le nez rouge, de manger des sandwichs à la mayonnaise et d’aller me réchauffer en buvant un vin chaud épicé à la cannelle.
Alors toi qui passes, toi qui me regardes et ne m’admires peut-être pas, toi là, entre et ne m’achète pas. Pas de pitié, pas de compassion, vole-moi, emporte-moi sans payer et dépose-moi là ou ici, puis oublie-moi. Je ne veux pas avoir à te dire merci, je ne veux pas substituer l’obligation de beauté à celle de reconnaissance. Je veux être humaine banalement, avec mes ombres et mes ingratitudes, mes désirs, mes choix et mes erreurs. Respirer !
Je cherche une issue, vite, une sortie ; en finir avec la chaleur électrique, les apparences et la transparence trompeuse ; je veux aller confronter ma peau, mes yeux, mes mains au monde. Il faut que je sorte, il faut que je sorte, j’ai besoin d’air …
Nathalie F.