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Jack

 

Sur la page de gauche, une carte. Ou un plan. Je ne sais pas trop.

Comme souvent dans les livres de Jack London.

Carte vraie, carte de son imaginaire ou du mien ?

Carte de mes rêves en tout cas.

J’en traçais les contours d’un index indécis, frôlais respectueusement ses frontières, retenais mon souffle devant la croix symbolisant l’église.

Il y avait toujours une église signalée non loin d’un cours d’eau, ou tout au bord.

Je n’étais pas très bonne en géographie, et même plutôt nulle. J’avais les plus grandes peines à faire coïncider ce schéma en noir et blanc avec les images somptueuses que m’évoquait l’auteur.

Cette multitude de petites croix, une forêt ? Impossible !

La forêt où errait Jack London n’avait rien à voir avec ce semis de petits clous. Elle était habitée d’une multitude de sapins, qui se serraient au point de la faire paraître bleue, et même noire.

Avec la lisière blanche des bouleaux montant la garde le long des chemins creux.

Et puis plein d’autres arbres dont j’ignorais le nom et même la physionomie. Des arbres dont je n’avais jamais entendu parler mais qui se tenaient là, immenses, solides et immuables.

Rassurants et oppressants à la fois.

Des arbres que seules peuvent produire les forêts du Grand Nord Canadien.

Et cette grande étendue, là, sans rien ?

Mais qui avait dessiné cette carte, enfin ?

Le « sans rien » n’existe pas  dans ce monde.

Le sans rien est plein de neige, de traîneaux à chiens, d’élans qui traversent pour aller boire de l’autre côté, au bord du lac.

Et la neige est pleine de vie, de plusieurs vies. Celle des petits rongeurs occupés à retrouver leurs réserves sous terre, celle des renards argentés qui dans un bond prodigieux plongent leur nez pointu dans l’épaisse couverture et saisissent de leur dents de porcelaine le petit animal imprudemment défoui. Celles de la perdrix des neiges  s’immobilisant  devant le saut du renard.

Les traces de raquettes du trappeur, allant du lac à la forêt proche.

Il suit les traces du grizzli  regagnant tranquillement la tanière où il hiberne pendant les grands froids.

Les grands froids sont déjà là ? Qu’importe ! Alors ce sont des traces de lynx.

Mais en tout cas, pas du « sans rien ».

Et là, cette déchirure, fil en haut, fil en bas ? Un lac ? Un lac en plein milieu d’un fleuve.

Le Huron, sans doute.

Mais oui, le Huron, du même nom que le peuple qui vit à proximité.

Ou peut-être pas.

Ça m’est égal. Le lac est immense, bordé de forêts peuplées de loups.

On peut camper au bord du lac et regarder les saumons qui nagent dans l’eau claire.

C’est un lac d’un bleu profond, qu’on traverse en kayak.

Saluant de la main le peu d’humains que l’on croise.

D’ailleurs on n’en croise pas, ou alors exceptionnellement.

Ce lac si bleu brille sourdement au milieu d’une vaste étendue d’herbe. Une immense prairie  d’un vert intense, émaillée ça et là de quelques fleurs tardives. Et nous sommes en automne.

La forêt vient jusqu’au bord, par delà l’autre rive, et brille de mille nuances d’or et de rouge, orange, rouge sang, vermillon, citron, quelques touches de vert.

Un feu de camp fume doucement près de ma tente, quelqu’un est accroupi et souffle dessus.

Evidemment, c’est mon ami Huron qui me souhaite la bienvenue.

Je savais bien !...

 

Jack, arrête de dessiner des cartes, raconte-moi le Grand Nord.

Un jour, moi aussi, j’irai.

 

Séverine L.

 

 

Tag(s) : #Séverine L, #Textes de participants, #La Passagère
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