Qu’est-ce que ce vieux carnet grège, aux feuilles repliées, écornée, à la couverture griffonée, rangé au coin de la dernière étagère de ma bibliothèque? Un objet publicitaire en plus, offert par Télérama. Cela fait un bail que je ne suis plus abonnée.
Un répertoire, ce carnet A5 broché est un répertoire. Si je devais dater l’objet dans mon archéologie personnelle, il appartiendrait à mon antiquité car cela fait bien une quinzaine d’années que je n’ai plus que des répertoires numériques. Quand je parcours les feuilles biffées, raturées dans tous les sens, je comprends pourquoi j’ai abandonné cette pratique.
J’y notais au crayon les adresses et téléphones de tous ceux et celles que je jugeais indispensables à mes survies amoureuses, amicales, alimentaires ou voyageuses. L’usage du crayon me permettait d’actualiser mes contacts mais, apparemment, je n’avais pas souvent de gomme à disposition car le plus souvent la ligne était rayée ou les chiffres corrigés par-dessus d’anciens numéros de téléphone. Beaucoup de contacts étaient devenus illisibles, disparus avec la mine de crayon.
La répartition alphabétique ne suffisait visiblement pas à ma mémoire car beaucoup de contacts étaient accompagnés de notes. La méthodologie de classement était très aléatoire. Les personnes y étaient variablement répertoriées par leur prénom ou par leur nom, parfois les deux. D, Duvert Alain, prof de philo. A, Alain Duvert, frère de Tony. On sent l’évolution de la relation : d’abord classé par son nom et sa fonction, Duvert passe à Alain dont je connais le frère.
C, couscous Papy. Sans doute n’avais-je rien d’autre pour noter et j’avais écrit là sa recette.
V, Vouvray pétillant. Suivait une liste de viticulteurs gratifiés d’une, deux ou trois étoiles.
Une foultitude de gens sont classés par leur prénom car je n’ai jamais eu la mémoire des noms. Parmi ceux-ci beaucoup de ne m’évoquent plus rien. Géraldine, oui celle-là je l’identifie : c’est ma nièce. Mais qui sont Géraldine2 et Géraldine3. Cette manie de numéroter les prénoms récurrents dans ma vie, je l’ai gardée encore aujourd’hui.
Tiens, il y a des citations. D : Derrida : « on ne pardonne que l’impardonnable ». C, Céline : on est puceau de l’horreur comme on l’est de la volupté.
Je suis curieuse de voir ce qu’il y a à Z : « Z comme Zorglub ! ». Humour et B.D., je n’ai pas beaucoup changé !
Lydie F.