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Suspendue à l’anneau, vissée à la poutre du portique pour l’éternité - semblait-il - elle ondulait mollement dans le vent. C’était la corde lisse, symbole de la crainte de l’échec pour la fillette qui pourtant adorait la gymnastique. Le saut en hauteur lui donnait des ailes, le cheval d’arçon et les barres parallèles la grisaient. Elle enchaînait tous les mouvements avec jubilation. 
Une jubilation qui toutefois se teintait de bémol pour la course à pied. Elle détestait le cent mètres que d’autres franchissaient à la vitesse de l’éclair. Elle en avait fait une question de principe : n’était-t-il pas grotesque de se précipiter vers un but arbitrairement défini qui ne justifiait en rien une telle agitation de tous les membres ? Pourtant, docile, elle exécutait le travail demandé et malgré tout parvenait à satisfaire le chronomètre. Et donc son ego.
Restait la corde lisse… lorsque son tour arrivait, elle s’approchait de cette corde avec une appréhension paralysante. Les membres lourds, elle posait les mains à hauteur des yeux sur l’instrument de torture, elle tentait un petit saut pour placer les pieds sur le seul nœud de cette fichue corde. Raté. Ses pieds battaient désespérément dans le vide, loin du nœud supposé servir d’appui, tandis qu’elle restait lamentablement suspendue, à bout de bras, par les mains douloureusement crispées sur la corde rêche qui les écorchait. Quelle humiliation, être suspendue comme sac de son, devant toute la classe qui ne manquait pas de lui rappeler qu’elle faisait très bien le cochon pendu… 
Vint le jour de l’examen national, dans un stade inconnu d’elle, à l’autre bout de la ville. Et la corde, là-bas dans le courant d’air, la narguait. La provocation était manifeste. Après les épreuves du saut et des barres parallèles passées avec succès, voici le moment de la confrontation ultime. La fillette s’approcha, saisit la corde d’une main ferme, sauta, sentit le nœud d’appui sous ses pieds - oh miracle ! Forte de cette extraordinaire surprise, galvanisée, elle allongea le corps trois fois, toucha l’anneau tout là-haut et redescendit d’un seul trait. Elle avait réussi ! 
Seule la solennité de ce jour d’examen l’empêcha de sauter de joie en criant victoire.  Mais désormais, elle pouvait savourer le bonheur d’avoir su dominer sa peur. 

Fredaine ☐
 

Tag(s) : #Bénédicte -Fredaine, #Textes de participants
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