Du hamac, près de la plage, une jambe passée par-dessus bord, je regarde naître le jour au-dessus de moi.
La mer ne me parle pas encore. Le sable caresse mon pied nu. Derrière moi, les maisons blanches et basses de Zouberi, profondément endormi comme tous les villages grecs à cette heure, semblent me pousser vers l’eau. Je m’extirpe de mon lit de toiles tendues. C’est bon de s’étirer dans la solitude d’un matin doux.
Sur le rivage vide, la lisière liquide s’inscrit pour l’éternité de ce temps immobile.
Dans un mouvement silencieux, je m’installe à genoux sur le bord pour sonder la transparence. De petits poissons se regroupent pour dessiner des arabesques. Translucides et fragiles, quel but poursuivent-ils ?
Sur ma gauche, soudain, dans le soleil assis sur l’horizon, un chuintement de missile me surprend. Je me lève, craignant le pire. Le déplacement même bref en provoque d’autres, avec des hissements démultipliés. Quelque chose plane au-dessus de l’eau. Sans vent, de cette mer d’huile, l’exocet s’efforce de s’élever. Des congénères rejoignent le téméraire. L’espace se remplit d’un peuple improbable.
Je fais quelques pas pour entrer dans l’eau. J’ai envie de les suivre. La température de l’air monte. Les écailles brillent dans la lumière de l’aurore. Les ailes s’écartent, tendues vers un ailleurs inconnu.
Pour les retenir, faut-il que je me change en oiseau marin ? Si je deviens goéland, je n’aurai que la passion de les manger. Sans m’en apercevoir, les poissons-volants m’emmènent au loin, ayant l’air de m’inviter à les suivre. Sont-ils des rabatteurs d’une sirène affamée ?
Et puis ils disparaissent. La surface de l’eau accueille un soleil parfait dans son miroir.
Je regagne le rivage, à regret, perdue dans mon humanité à reconquérir.
Valérie W.