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Tout ce temps sans toi…comme une éternité au sein de l’absence immobile. Bien sûr le téléphone a concédé que survive le lien entre nous, mais avions-nous réellement besoin de cela pour être présent l’un à l’autre ? Le manque de toi consolé par quelques paroles tendres et cajoleuses, quelques rires à la description de nos accoutrements de reclus, quelques murmures de voix par instant brisées…le manque dévoyé par nos voix éloignées se métamorphosait en un ogre cruel qui dévorait et poignardait nos corps et nos âmes. Le matin fut donc élu « temps de parole », les après-midis réservés au jardinage et à la lecture, les soirées à écrire des lettres, de vraies lettres…manuscrites, postées chaque jour. Guetter le pas du facteur sur le gravier du chemin devint le plus singulier et prodigieux des rendez-vous. Humer cette enveloppe, la caresser de mes lèvres, l’appuyer sur mon sein palpitant et faire durer ces moments vibrants de l’attente. Emmitouflée devant la cheminée ardente ou pelotonnée sur un transat au soleil, ouvrir lentement l’enveloppe avec soin et précaution, recueillir d’une main la fleur séchée ou la grenouille de papier de soie que tu glissais entre les feuillets. Déplier les pages de couleur crème couvertes au hasard de ton écriture fluide. Le puzzle à reconstituer de ces paragraphes jetés en désordre sur la feuille occupait un temps magnifié …te chercher et te retrouver dans ces mots éparpillés me conduisait sur des chemins d’enfance à la recherche de trésors enfouis au pied des arcs en ciel…découvrir à pas menus le sens de tes mots délivrait en moi une délicate sensibilité ou une folle exaltation. Cette heure embrasée de toi me laissait épuisée mais rêveuse. Peu à peu s’installaient en moi les mots de la lettre que je t’écrirais le soir, embaumée du vert naissant de mes plantations et du fumet odorant d’une brioche à la cannelle.

Le chat a fait de son mieux pour soulager ces temps de solitude. Il sautait sur mes genoux dès que je m’asseyais un instant et me poussait gentiment jusqu’à pouvoir s’enrouler sur mon ventre, une patte posée sur mon cœur. Lové sur ton oreiller le soir, il clignait doucement des yeux et, hypnotisée, je m’endormais dans la chaleur de cette fidélité.  

Et te voilà…nous voilà…ensemble. Tu as sonné avec entrain puis pianoté le « pompompompom » de Beethoven, mot de passe intime à chacun de nos retours. Je n’ai pas couru…j’ai tremblé. Lorsque, la main enfin affermie, j’ai ouvert la porte, j’ai levé les yeux lentement vers les tiens qui, graves, m’attendaient. Nous sommes restés immobiles, l’un devant l’autre, respirant à peine sous l’émotion de nous découvrir et nous retrouver dans le même temps. Lorsqu’un sourire frisa, imperceptible, au coin de tes lèvres, j’avançai d’un pas vers tes bras qui s’ouvraient pour moi. J’ai caché le sanglot qui obstruait ma gorge dans mes mains jointes que tu as, souplement, tendrement recouvertes des tiennes. Enfin capable de te regarder à nouveau, j’ai lu dans les miroitements humides de tes yeux le trouble qui te tenait. Ne parlons pas veux-tu …nos mémoires sont emplies de tous nos mots et ne demandent plus de preuves. Laissons nos mains se nouer à nouveau, se caresser. Pose ta main sur ma joue et je confierai la lourdeur de ces moments d’absence à ta paume. Laisse ma main se poser sur ton cœur que je sente, là, battre la vie en toi. Regarde les rides au coin de mes yeux qui te sourient déjà. Que mes doigts parcourent tes joues brunies jusqu’à se noyer dans les blancheurs de ta barbe. Que nos sourires se répondent au travers du silence apaisé qui nous enrobe. Que ton regard sur moi m’habille de ton désir. Que mes yeux s’égarent sous ma faim de toi. Que nos impatiences accordées trouvent, ensemble, les chemins intimes du ravissement et des délices.

C’est à nouveau la première fois…

Dominique B.

Tag(s) : #Textes de participants, #Dominique B.
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