Syracuse, Marina Vittorio Emmanuelle II
Un foulard noué sur la tête, un sac à dos avachi, une bouteille de vin rouge et un verre à pied posés sur un cube de pierre, l'homme à l'allure baroudeuse, peut-être un marin solitaire, et deux chiens. Une longe reliait ses deux chiens. L'un jeune, l'autre plus âgé allaient à leur gré, à l'amble sur la promenade. Ensemble et libres pourtant. La longe parfois emmêlait leur pattes, sans effort, ils savaient s'en défaire. L'homme au foulard, dos affaissé le regard perdu sur l'horizon laissait le temps couler, la lune pâle s'allumer, le vin doucement descendre dans sa gorge. Ses deux compagnons profitaient de l'espace désert de la Marina, indifférents à la lune. Sûrs de leur connivence, ils jouaient, se mordillaient. Leurs rires n'étaient perceptibles que par leur frénésie à se rouler sur les dalles lisses et brillantes. Le regard de l'homme venait se poser de temps à autre sur le tandem. Tout dans sa posture, dans ses mouvements indiquait le lien profond qui les unissait tous les trois. Puis après un moment de sommeil au pied de l'homme, quelques ordres sans doute murmurés, le jeune chien assis à côté du banc regarda l'homme et son copain s'éloigner. Figé, le regard immobile dans leur direction, il attendit leur retour patient, confiant. À côté de la lune toujours plus brillante, Vénus s'installa dans le décor, ajoutant à la quiétude de la nuit une lumière issue du noir profond. Puis les trois compagnons enfin réunis, le verre vidé, le sac bouclé ils s'enfoncèrent sous l'ombre dense des arbres. Vénus et la lune n'y pouvant rien.
Nathalie F.