Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

– Tu veux prendre le volant ? 
– Bof, je ne suis pas très bonne au volant, je n’aime pas vraiment la conduite.
– Pourquoi ? C’est génial la route est parfaitement dégagée ! Il n’y a personne aujourd’hui. A croire que tout le monde est au restoroute. »
Elle réfléchit. Oui, elle aussi elle ferait bien une escale, elle commence à avoir une petite faim, ils sont partis horriblement tôt. C’est l’autoroute, d’accord et la mer est au bout, d’accord aussi. Il faut ne pas perdre de temps a-t-il dit. Donc on ne perd pas de temps ! Elle pense…
« Il est incroyable lui. Forcément, étant au volant il ne voit pas du tout le temps passer ! Il fait attention à la circulation, aux panneaux de signalisation, il faut avouer que ça occupe ! Ah oui, on peut dire que ça occupe ! Il ne prend même pas le temps de penser à moi. Et pourtant j’existe !»
De réflexion morose en constatation désabusée, elle en arrive à songer qu’il a peut-être raison. Dans le fond il n’y a personne aujourd’hui, la route est superbe, si elle essayait …
– Bien. Si tu veux je vais essayer de conduire. Mais il faut que tu dormes pendant ce temps. J’ai toujours peur de tes jugements, ils me tétanisent. 
– Parfait. On changera à la station-service.
Le plein fait, ils repartent, ceintures bouclées, elle au volant. Devant elle, l’autoroute inondée de soleil est vide. Après plusieurs virages négociés avec maestria, une longue pente parfaitement droite semble rejoindre l’horizon. Elle appuie sur le champignon. 135, 140. Elle appuie encore, elle est sûre d’elle. Une exquise sensation de puissance s’empare d’elle qui tient fermement le volant. La voiture est une bonne routière ; elle avale les kilomètres avec souplesse, répond aux moindres sollicitations. Une docilité merveilleuse. Les bras deviennent un peu moins souples.
– Ne t’accroche pas au volant comme ça ! Les mains doivent être juste posées sur le volant. Pas crispées. Voilà c’est mieux. Et respecte la vitesse !
– Oui je sais, je sais.
La vitesse ? Quel rabat joie, il m’agace ! Moi qui commençais à aimer conduire…Elle se venge : le compteur grimpe 145, 150, 155. Le moteur ronronne de plaisir, ou bien est-ce elle qui ronronne de plaisir ? 160, 165 elle a l’impression que ses yeux agrandis, un peu secs, sont aspirés par l’horizon. Elle avale sa salive, la gorge est serrée. Elle continue 170, 175, elle s’oblige à respirer profondément, calmement 175, 180. Oui 180 ! Victoire ! Elle a presque bloqué le compteur... Jamais elle n’a conduit aussi vite de sa vie, elle jubile. Elle aussi, elle est capable de conduire à toute allure, non mais ! Elle a gagné. Ivre de vitesse, elle rayonne, elle exulte, grisée.
Elle se tourne vers le passager pour partager sa joie. Il ouvre un œil, sourit, marque un temps d’arrêt, lève le doigt. S’il croit que j’ai le temps de regarder ses mimiques, je conduis….  Ah, il va parler, écoutons l’oracle :
– Tu as vu les gendarmes postés sur le pont ?

Fredaine ☐

Tag(s) : #Bénédicte -Fredaine, #Textes des participants
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :