Sublime, férocement sublime
Retrouver cet instant, pour dire l'indicible, comme Don Quichotte, me battre avec une idée de l'impossible, me débattre dans l'incommensurable question du beau et me rabattre, pour rire, sur la phrase d'un enfant écrite dans sa rédaction: «Je me promenais dans la forêt, quand tout à coup, caché derrière un arbre, le pittoresque m'a frappé.»
Il n'y a pas de quoi rire!
Effectivement, le sublime comme le pittoresque est une chose sérieuse, il adore la nature et peut lui aussi se cacher, dans un nuage, sous une goutte d'eau, ou bien derrière un arbre, attendant l'écrivain.
Si je me positionne bien, de façon à déplacer l'arbre de quelques centimètres, en le poussant de toute la force de mon imagination, alors, le sublime me saute aux yeux et me frappe un grand coup. Il me frappe si fort que j'en reste abasourdie, éberluée, surprise, sidérée.
Le paysage sublime est là devant moi qui apparaît tel un miracle. Il s'étale, s'expose, se pavane, roule des mécaniques, gonfle ses plumes (en dégonflant la mienne), il m' en fait voir de toutes les couleurs, il m' en met plein la vue, il exagère en tout, mais, force le respect et me coupe le souffle.
Rien à dire , c'est beau!
C'est trop beau, ça empêche les mots, ça élimine d'emblée les phrases du genre: «le soleil cramoisi plongeait dans l'horizon - les feuilles chuchotaient dans la brise du soir» Je reste là, bouche bée, le stylo médusé.
Rien à dire, rien à faire, le sublime me plaque au mur, il me colle à la page, il m' envoie valdinguer au delà des mots, au delà du beau.
Il dit mon impuissance, interroge l'écriture, la frappe du sceau de l'impossible, la rendant superflue, alors je triche .
Sublime, férocement sublime.
Pierrette C