Le vent
Notre rencontre toute première fut brève car on m’arracha à son souffle pour me protéger de ses caresses, les rafales saccadées du Meltem des Cyclades en étaient, je n’oublierai jamais le son de sa présence un grondement mystérieux il me semblait mais qui éparpillait en fait le raclement des chaises qu’il emportait sur le sol.
Kareklas le voleur de chaises, c’est le nom que les habitants de Mykonos lui donnent !
J’avais 3 ans, j’aimais déjà les histoires qu’il me murmurait au creux de mes oreilles, de marins pleins de bravoure, de sirènes maléfiques et fatales d’une beauté trompeuse et d’aventures sans limites finissant toujours en retour du héros à son île, à sa femme et à ses enfants à qui il pouvait enfin raconter ses exploits et couvrir de cadeaux de coquillages, de perles d’éponges et de parfums épicés.
Plus tard en ressentant sa morsure je me suis rendue compte que les marins grecs ne savent pas nager, qu’ils ont une faconde cascadante et une imagination puissante.
Mais le souffle du vent était déjà devenu mon ami.
Lui me serait fidèle dans la joie et parfois dans l’obscur désespoir.
Le Pays du Vent c’est la Grèce, Eole le roi des vents habite dans une tour à Monastiraki au bas de la Plaka ce quartier hétéroclite au pied de l’Acropole d’Athènes
Ils se sont échappés ces vents indisciplinés et fougueux, curieux de découvrir le monde parsemé de tant d’écueils et de falaises abruptes appétissantes comme les tranches d’un gâteau minéral à éroder et grignoter jusqu’à la destruction.
Du Cap Malias au Sud du Mani au Cap Horn ils ont voyagé ont rapporté toute les histoires vraies et moins vraies dont ils nous emplissent les oreilles à la première opportunité.
J’aime leurs ragots
J’aime leur amitié
J’aime la présence du vent dans mes souvenirs tantôt hurlant bruissant de danger sur une moto le long d’une route sinueuse surplombant une côte escarpée, ces hurlements mêlés à mes cris de joie me font sentir que le vent m’appartient, que je lui appartiens que nous ne sommes qu’un.
L’aube californienne enveloppant l’annonce de la mort de ma mère m’a fait ressentir la consistance du vent me traversant, glacé, soufflant à travers mon corps tel une bourrasque au travers d’un tronc creux au son des rugissements du Pacifique
Je n’en ai pas fait un ami, non, mais je ne l’oublierai jamais.
Le vent de la Guerre
Le vent du Desert
le vent de la Mer
Le vent brûlant
Glaçant
Hurlant
Caressant
Le grand poète grec Seferis a écrit sur la Brise alizé
Il murmure dans mes souvenirs
Sur le sable blond nous avons au milieu du jour écrit son nom
Et comme le vent du Sud a joliment soufflé en l’effaçant
Tant de désirs
Tant de douleur
Nous avions pris notre vie du mauvais côté
Alors nous en avons changé
Le vent nous dirige
Il nous arrache des larmes se mêlant avec les nôtres, les camouflant
Il nous accompagne le long de notre traversée
Il ne nous laisse pas le loisir d’indépendance
Le vent de l’amour qui souffle et qui enchante les coeurs du Grand Vizir de la Nuit et de Haroun al Rachid
Le vent de l’Oubli
Fidèle compagnon de nos différentes vies, éternel troubadour à la voix enchanteresse qui ne nous quitte jamais chassant notre solitude
Présent aux moments les plus intimes et importants
Bon Vent
Diana W.