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Nous avons passé toute notre enfance ensemble. Je suis l’aîné de la famille et tu es arrivé quelques temps plus tard, juste quelques mois. En tout cas, pas moins que le temps conventionnel, ce qui fait de toi mon frère, le vrai, le légitime. 

Très vite, nous avons appris à vivre ensemble. Dormir, Manger, jouer ensemble, interagir, chahuter, se bagarrer, gueuler, pleurer, jalouser, claquer, c’était notre vie d’enfants gâtés par la vie. Tu étais le petit, j’étais le grand, j’avais tous les droits sur toi, tu devais me suivre et m’obéir. 

Puis le temps est passé : l’école, les devoirs, la maîtresse ou le maître d’école, les copains et les copines se sont imposés dans nos vies. Certains se sont même interposés, mais c’était sans compter sur ce qui est : toi et moi, frères pour la vie. C’est beaucoup plus que tout. Aucun de ces perturbateurs n’aura réussi à fissurer notre relation si spéciale qui s’est toujours imposée à nous. Être frères, cela ne se choisit pas, cela ne se subit pas non plus, cela se vit, tout simplement. Nous avons donc poursuivi cette relation si spéciale et fusionnelle et le temps est passé. 

Jusqu’à ce jour de juillet où nous avions 17 ans. Tu m’as appelé au secours et je n’ai pas hésité une seconde. Tu m’as demandé de te rejoindre dans un lieu que je ne connaissais pas, en forêt de Perseigne. J’ai trouvé cela bizarre et intriguant au début, mais beaucoup de choses étaient bizarres chez toi, alors j’ai foncé. 

Dans ton SMS, tu m’as précisé ta demande :
- surtout ne dis rien à personne, ferme ta gueule et viens tout de suite. 
- Quand tu arriveras sur place, ferme encore plus ta gueule compris ? C’est de mon frère dont j’ai besoin, pas d’un jury populaire !

J’avais juste dit : OK ! J’ai pris ma voiture et entré les coordonnées GPS que tu venais de m’envoyer. Bon, c’est bizarre tout ça quand même, mais ok, je ferme ma gueule et je fonce !

Je roule, j’arrive aux abords de cette magnifique forêt de Perseigne. Les couleurs des feuillages sont éclatantes en cette arrière-saison. Je pense à la beauté du paysage et qu’il doit y avoir des champignons ; je ne fais ni plus ni moins que du recentrage cognitif !

Puis le moment arriva. Le GPS me dit « vous avez atteint votre destination » et je finis par t’apercevoir au bord d’un chemin. 

J’arrête ma voiture, je sors et te regarde. Tout de suite, je comprends. Je vois ton visage, ton regard, la sueur sur ton front. Tu es transparent mon frère, tu as l’air hagard… Tu as fait quelque chose, je le sens et je le comprends. 

- Ferme ta gueule ok ?
- Oui, d’accord
- Tu me suis

On se mit donc à marcher et moi je continuais à fermer ma gueule. Jusqu’où me conduis-tu mon frère, me demandais-je…

Tout à coup, tu t’arrêtes, tu restes droit comme un pieu et tu te retournes.

- Ce que tu vas voir ne va pas te plaire, tu l’as deviné ?
- Ça, oui, je l’ai bien deviné, j’attendais juste de pouvoir parler. Il y a quelque chose qui cloche, tout en toi me le dit et me le crache au visage, mon frère. J’ai osé, j’ai ouvert ma gueule. 

- Ça va, tiens ta parole s’il te plaît et aide-moi
- OK je la tiendrai

- Voilà, j’ai eu un souci avec Martin Dupré
- Quel genre de souci ?
- Le genre de souci qui se règle en pleine forêt, tu saisis ?

- Je crois que oui. Où est le corps ? À vingt mètres d’ici, j’ai besoin que tu m’aides
- Là je crois que tu exagères !!
- Je le sais, mais il est trop tard, c’est fait !
- Il a souffert ?
- Non, très peu, j’ai fait comme tu me l’as appris
- Le coup du pirate c’est ça ?
- Exactement ! Rapide, propre, pas d’éclaboussures, ça m’a fait un bien fou, je suis soulagé 

On marche et on finit par y arriver enfin. Le cadavre de Martin Dupré est là, sous nos yeux. Le temps s’arrête. Mon souffle se bloque. Mes yeux refusent d’y croire, comme si mon cerveau tentait de repousser cette image. Je finis toutefois par défaire ma veste. On se regarde. Non, rien ne me fera reculer. Tu le comprends. 

- OK on y va ?
- J’ai amené une pelle, ça te choque ?
- Plus rien ne pourra me choquer à partir de maintenant !
-Allé, va jusqu’au sommet de ton art mon frère et creuse. 
- Tu veux dire que j’atteins le paroxysme de ma perversité !
- Un peu, oui. Mais on n’a pas trop le temps de penser à ça, on a du boulot, creuse et s’il te plaît mon frère, par pitié, ferme ta gueule…


Christophe L.

Tag(s) : #Textes des participants, #Frères et soeurs
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