Le rail se raille bien de ce qui se passe autour de lui. Il suffit que les roues lui collent aux basques pour que ça fonctionne. Mais la machine déraille et des congères énormes forcent les wagons à s’arrêter. Alors, ce temps d’arrêt force ma mémoire au souvenir. Quand il roulait, ce train, le paysage défilait comme si rien d’autre que lui n’existait. Des arbres, de la neige, un lapin blanc qui saute, fondu dans le décor, c’est comme si l’aube de l’humanité semblait renaître.
Bizarre, alors, que ce condensé de technologie roulant à 300 à l’heure me fasse cet effet, mais j’étais dans l’oubli de moi et des autres. De la fenêtre, des arbres, des marécages, des mornes plaines à la Waterloo enneigées et boueuses et en l’air, les nuages, tous de formes poétiques, ici un ours, là une princesse, au loin, un ballet de boules cotonneuses, un ciel plein de promesses, de moments propices à l’invention, un ciel à se raconter des histoires, plus farfelues les unes que les autres. Ce qui se rappelle à moi et me fait redescendre est le bruit assourdissant du train qui hoquette à chaque jonction des rails, qui hurle en prenant de la vitesse et fait ainsi des liens entre le dedans et le dehors.
Véronique M