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Descendre à pied à la gare.

Il pleut. Il fait froid.

La valise roule dans les flaques et se retourne, agressée par un caillou malveillant et mal embouché.

Râler. Continuer son chemin.

 

La gare sent le caoutchouc, la poussière et la laine mouillée.

Monter dans le RER, se glisser parmi les innombrables valises, essayer de ne pas écraser les pieds du voisin, de ne pas décapiter avec son sac à dos un grand dadais qui profite de la promiscuité pour draguer, de ne pas écraser l’enfant qui tangue, accroché à la barre d’appui.

Essayer de ne pas perdre sa valise, qui manifeste des velléités de retour au bercail.

Descendre Gare de Lyon, parmi la foule stressée, désorientée, cherchant sa direction à grand renfort de demi-tours, quart de tours et valises catapultes.

Sortir. Marcher sous la pluie verglaçante  et passer le pont. Arriver à la gare d’Austerlitz.

Chercher avec angoisse son train, son quai, son wagon.

Les repérer enfin, se frayer un chemin jusqu’à sa couchette.

Enjamber le gros chien husky qui s’est couché dans la travée.

Trouver une place pour la valise, ce qui n’est pas une mince affaire. Les trains couchettes semblent avoir été conçus pour des voyageurs sans bagage.

Attendre dans la nuit sur la planchette inconfortable, les pieds posés sur la valise, qui s’est finalement renfrognée au bout de la couchette.

Essayer de ne pas s’endormir, de crainte de ronfler et de gêner les voisins.

Essayer de s’endormir, la bouche pâteuse et les yeux brûlants.

Le husky rêve et gémit en agitant les pattes.

Le wagon couchette sent la poussière, le caoutchouc et les corps mal lavés, les baskets humides et les lainages mouillés.

Et aussi les pets du husky qui digère mal l’alimentation en boîte.

Se demander pourquoi on a eu l’idée saugrenue de s’imposer une telle punition…..

Attendre les ralentissements en gare et l’annonce de la localité.

« Dijon »

C’est mon repère, ma frontière. C’est là que je sais sans équivoque que je suis en voyage.

C’est ma preuve, mon clin d’œil aux vacances.

Maintenant, la vie peut continuer, la tension se relâche, je ne suis plus en apnée.

Je m’apaise et dans une demi-conscience, égrène les arrêts qui me caressent doucement le cerveau.

 « Chorge »

Je ne peux plus rester allongée, je me lève, passe dans le couloir, me colle à la fenêtre.

Je n’y vois rien, il fait encore nuit.

Je ferme les yeux de toutes mes forces, pour me remémorer la physionomie des lieux.

Je les rouvre et ne vois que différentes teintes de sombre, une imposante masse noire en arrière-plan.

Je reste à la fenêtre, comme un enfant devant la vitrine du glacier, dans l’attente de l’émerveillement final.

« Lac de Serre-Ponçon »

Il fait entre loup et chien. C’est encore gris. Non, noir. Non, gris….

Le sol luit d’une douceur bleutée, tout est enveloppé.

Je restitue sa juste place à chaque élément du décor, que je ne connais qu’en été.

Je joue au jeu des sept ressemblances.

Au fur et à mesure que le jour se lève, la magie opère.

Mes yeux s’arrondissent, je reconnais chaque lieu et en même temps je ne le reconnais pas.

« L’Argentière les écrins »

Je descends, souffle coupé.

Et avant de rejoindre mon groupe, avant de me glisser dans la joyeuse effervescence des amis retrouvés, je sens monter en moi comme une prière.

Une prière à la neige, au ciel bleu, au froid piquant.

Une prière de gratitude.

Merci à la montagne d’exister.

 

Séverine L.v

Tag(s) : #Textes de l'atelier, #Séverine L
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