A « La Métairie », la maison de campagne de mon ami Jacques dans le Morbihan, où chaque été il organisait son festival musical, se trouvait une petite pièce indépendante au rez-de-chaussée où Jacques dormait lorsqu’il avait des invités occupant les chambres de la grande maison. Là, il était tranquille. C’était une ancienne étable succinctement restaurée avec des tomettes brunes, un grand rideau masquant des tables et des chaises de jardin et un lit de campagne en bois de 130 cm de large, seul mobilier avec une chaise dans mon souvenir ; elle sentait l’humidité et restait toujours fraîche malgré les fortes chaleurs de l’été. Nous l’avions appelée « la chambre du berger ». Son entrée discrète se trouvait bien cachée sur le côté de la maison, dans la verdure, ce qui nous convenait parfaitement.
Après les soirées musicales et le dernier verre absorbé, lorsque tout le monde était parti et les résidents couchés, la lune éclairait la longue pelouse à l’ombre des grands chênes et nous pouvions enfin nous retrouver dans « la chambre du berger ».
Ce lieu était notre refuge nocturne et secret. « Le lit » trônait en majesté et nous offrait sa couche profonde où nous n’avions pas le temps de dormir et à peine le temps de nous aimer parce qu’il fallait que je rentre chez moi avant l’aube.
Mais « il » était à lui seul, le symbole de nos retrouvailles tant espérées toute la journée, « le lit » des amours cachées dites interdites, « le lit » des amours fugaces ô combien enivrantes ; c’était juste le petit morceau d’intimité indispensable qu’il nous fallait pour terminer la journée emplie de monde et attendre le lendemain pour être à nouveau ensemble. Ce moment si bref et si intense était à lui seul une éternité d’amour vécue pleinement et bien accrochée dans les souvenirs du coeur. Et pourtant, ce n’était que « le lit de la chambre du berger »
Pascale G.