Au cours du stage d'écriture de juin à Saint Vaast la Hougue, il était proposé aux participants de se glisser dans le personnage d'un gardien de phare prenant sa retraite.
Mariée au gardien de phare de Gatteville rien ne me prédisposait à cette vie que j'ai appris à aimer. Je venais de Valognes, bien ancrée dans mes terres (les pieds bien sur terre) Je suis sur le point de quitter cet endroit où je suis depuis trente années. Vais-je pouvoir me passer de cet espace à 360° dont je jouis journellement. La beauté des ciels dont la palette du blanc au noir est infinie. Les cris entêtants des mouettes et des goélands accompagnant leurs danses folles.
Les plongeons foudroyants des cormorans et les aigrettes dansant sur le rivage ont été mes tableaux vivants. Je me suis toujours sentie utile,n'ayant pas de descendance, mon attention était tournée vers ceux qui pouvait avoir besoin de nous. On raconte le naufrage de la Nef Blanche et tous les malheurs qui s'en suivirent. Ce raz devant nous il fallait bien que quelqu'un le signale.
J'ai eu de la chance il ne nous est rien arrivé de fâcheux pendant tout ce temps et je n'ai pas eu à mettre à l'épreuve le peu de connaissance que je possédais quant au bon fonctionnement du phare. Barfleur n'est pas loin et j'étais une fervente assidue de la médiathèque. Je vais pouvoir continuer, et peut être dans la littérature je retrouverais l' atmosphère des moments vécus. Au beau temps, loin du fracas de la mer, je m'installais près du ciel pour y faire lecture, l'esprit ouvert. Le mauvais temps, et il y en avait souvent, me remplissait de terreur. Je n'ai jamais pu m'y habituer. Quand le vent hurlait, que le ciel était chargé de nuages noirs galopant vers la terre. Quand la mer grondait et s'éclataient sur les rochers en de monstrueuses gerbes. Alors je me réfugiais au centre de ce qui était notre raison de vivre et je priais On me dit que personne derrière nous ne viendra reprendre le flambeau. Je vais vers une nouvelle vie.
Anne-Marie Margout