« Dans le linge simple et blanc du matin », la noirceur de sa chevelure paraissait une injure à la douceur du tableau. Assise sur une fesse au bord de la fenêtre ouverte, elle laissait la brise de mer jouer sur la peau nue de ses bras et animer ses longs cheveux d’un lent balancement. Elle respirait avec effort en inspirations saccadées. Elle ne regardait rien et maintenait d’une main le drap qu’elle avait enroulé autour de ses seins pour en masquer la nudité. On devinait cependant leur rondeur entre les plis. Ses jambes fines et nacrées semblaient jaillir de la lumière blanche émanant du tissu maintenant ensoleillé. Elle restait parfaitement immobile. Une bourrasque plus forte souleva et fit voler ses cheveux, la transformant pour un instant. Elle ne bougea pas.
De longues minutes s’écoulèrent, vides et silencieuses. Une larme qui dévala de ses yeux la surprit. Elle la chassa d’un geste brusque et nerveux. Elle pinça les lèvres pour endiguer le flot des pleurs qui la dévorait. Elle lâcha le drap blanc qui s’affaissa sur le parquet luisant.
Elle était complètement nue. Son corps d’ivoire, frappé par les rayons du soleil encore pâle, était lumière. Quelques ombres s’y dessinaient, rondes ou rectilignes, brunes ou rouges.
Ses larmes se tarirent, remplacées par un soupir infini. Ses yeux encore noyés se posèrent sur l’écritoire. Elle en sortit une feuille, une plume et un encrier. Sa main, d’abord hésitante, se mit à courir sur la page vierge.
« Aujourd’hui est le premier jour de ma vie de femme mariée. Hier encore, j’étais la fille de mes parents. J’ai épousé un homme choisi par eux. Pour mon bien. J’ai quinze ans. »
Dominique B.
7.9.2018
(La première ligne en gras est tirée d’un poème d’Eluard.)