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"Dans le linge simple et blanc du matin", Gervaise rit et chantonne. Enveloppée du frais parfum de la lessive toute propre, elle s’apprête à la faire sécher dans le jardin. Elle plie soigneusement les tissus encore humides dans une grande resse, l’appuie sur la hanche, fait virevolter sa longue jupe d’un coton bleu comme le ciel lorsqu’elle dévale le petit chemin. Tout en bas, au pied du muret moussu du potager, elle accrochera le linge comme des notes de musique aux rayons du soleil. Las ! Les pinces à linge, rebelles, se refusent à toute coopération pour fixer les grands draps à l’éclatante blancheur et le vent frivole se joue des légers voilages que la jeune fille suspend sur le fil.

Toujours riant, elle parle au taquin zéphyr. Elle parle au vent qu’elle aime tant ; il lui offre ce matin les parfums de la campagne juste éveillée, la délicieuse senteur de l’herbe humide fraîchement coupée. Indiscret, il lui apporte aussi le vacarme des exclamations de la ferme voisine, les lourdes respirations du bétail, les chaudes odeurs de l’écurie, de l’étable, et les caquètements de la basse-cour. 

Dans le clair matin, Gervaise rêve, s’envole. Elle s’évade, elle vagabonde, bien loin. La blancheur de ce drap, c’est soudain celle d’une grand-voile. Elle se voit doucement bercée sur la mer émeraude, et plus tard affrontant les flots tumultueux et gris, imprévisibles. Quant au voilage frissonnant, immaculé, il évoque pour elle la mariée qu’elle serait bientôt … si le gars Jules voulait bien la regarder vraiment, la remarquer, elle qui dès le matin ne pense qu’à ce gredin.
Demain peut-être entendra-t-il la ritournelle du bonheur tout simple d’un possible quotidien ? Oui, dès le matin -et même du soir au matin- elle pense à ce gredin,
dans le linge simple et blanc du matin.

Fredaine

Tag(s) : #Textes de participants, #Fredaine
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