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La voie lactée, poussière d’étoiles, comme le dit une chanson, a reçu des dénominations métphoriques dans plusieurs civilisations : « Fleuve » des Arabes, « Rivière de lumière » des Hébreux, « Rivière céleste » des Chinois, « Lit du Gange » dans la tradition sanskrite. Elle est visible pour nous car elle a la forme d’une spirale à plusieurs bras et la galaxie de notre soleil, qui fait partie de la branche d’Orion, se situe sur le bord extérieur de l’un des bras de la Voie lactée.

Les bousiers, ces coléoptères minuscules de guère plus de 2 ou 3 cm, entièrement noirs, se dirigent pour aller à leur but sur la voie lactée pendant les nuits sans lune. Les scientifiques ont toujours été intrigués de les voir tracer leur chemin en ligne droite sans hésiter. Après s’être longtemps interrogés, ils s’aperçurent qu’ils étaient désorientés en octobre en Afrique du Sud, où la Voie lactée n’est plus visible et une équipe eut alors l’idée de tester s’ils se dirigeaient à partir de ce repère. Entre une nuit avec lune et une nuit sans lune et sans étoiles leurs performances étaient divisées par 6. On sait que les oiseaux se dirigent grâce à leur vision du ciel et en particulier du soleil. Les chercheurs reproduisirent une voûte céleste et ils constatèrent que s’ils cachaient la voie lactée et non les étoiles, le bousier va plus lentement à son terrier, s’ils occultent complètement le ciel encore plus lentement, mais si la voie lactée est visible, ils se dirigent avec aisance en ligne droite vers leur but. Il garde un angle de position constant vis-à-vis d’elle. C’est l’une des découvertes récentes qui montrent que l’intelligence animale est beaucoup plus développée que les scientifiques des époques antérieures l’ont cru.

Combien de fois regardons-nous la Voie lactée au cours d’une année ? Alors que ce petit coléoptère est attentif à son existence toutes les fois qu’elle est visible.

Z voulait rencontrer X, elle savait que le trajet serait difficile car la nuit était noire et les nuages recouvraient sa boussole, elle leva la tête désespérément vers le ciel, mais rien n’apparaissait de la grande barre d’un blanc laiteux sur laquelle elle avait l’habitude de se guider. Il y a une pollution dingue, se dit-elle, ces humains sont sans pitié pour les coléoptères, ils envahissent tout notre espace et en plus ils effacent l’espace, je n’y vois plus rien. Elle ne comprenait pas pourquoi cette espèce animale avait proliféré, envahissant toutes les contrées, limitant les zones où les coléoptères pouvaient se déplacer, munis de bras et d’animaux de fer faisant un bruit infernal, qui couvrait les murmures de la nature. Les coléoptères bousiers peinent, pensait-elle, pour déplacer leur nourriture, ils en font d’énormes boulettes bien plus lourdes que ce qu’ils pourraient sans difficulté pousser, ils y arrivent avec effort et attention et grâce au ciel, ils peuvent aller à leur terrier en ligne droite, mais sans cela ils mettent beaucoup plus de temps à pousser leur boulette, car ils ne vont plus en ligne droite. Ils se fatiguent trop maintenant.

Il y avait longtemps que Z n’avait plus aperçu X. Elle prit une route inhabituelle et grimpa sur une petite branche qui montait dans le jardin d’à côté, où elle n’avait jamais été. Elle se demanda si X ne s’était pas aventurée dans ce deuxième jardin. Elle regardait sous toutes les feuilles qu’elle croisait et il y en avait beaucoup, car c’était l’automne. Mais elle ne voyait pas tellement d’autres coléoptères, sinon un coléoptère déjà endormi pour hiberner dans un trou bien au chaud. C’était Y. Quel paresseux celui-là, se dit-elle, déjà endormi ! Elle n’osa pas le réveiller pour lui demander des nouvelles de X.

Il y eut une ondée brève mais cinglante. Sa carapace noire devint luisante. Les feuilles miroitaient faiblement dans la nuit, des gouttes d’eau rondes et brillantes pendaient au bout des brindilles. Et tout d’un coup, elle s’aperçut que le ciel s’éclaircissait, peu à peu la Voie lactée redevenait visible. Quel bonheur, se dit-elle, je vais facilement retrouver le chemin du premier jardin ! Elle pensa au premier coléoptère qui avait remarqué cette trainée lumineuse dans le ciel. Etait-ce un coléoptère mâle ou femelle ? Il était aujourd’hui impossible de le savoir, mais elle se dit que les coléoptères lui devaient beaucoup, de leur sens de l’orientation, de leurs qualités de randonneurs tenaces et aguerris par tous les temps. Elle aurait aimé la ou le remercier.

Et tout à coup, elle vit luire un reflet. En regardant plus attentivement, elle s’aperçut que c’était une tâche noire au bord d’une minuscule flaque d’eau de pluie. Elle se précipita de toute la force de ses six pattes et magique, c’était bien sa copine X, qui se régalait au bord de cette flaque scintillante et lui fit un grand signe de son antenne droite. « Je m’étais un peu perdue, avec cette nuit sans lumière » lui dit-elle « je suis heureuse de te voir ici, je me sentais étrangère dans ce deuxième jardin où je ne connais personne ». Elles rentrèrent ensemble au premier jardin, l’une suivant l’autre, en discutant : la voie lactée avait-elle été créée par une/un coléoptère ou simplement remarquée ? Elles penchaient pour le fait que c’était une femelle qui l’avait remarquée, elles se sentaient proches d’elle, de ses réflexions probablement assez abstraites, de son intelligence. Même si elles n’étaient pas d’accord, elles ne se disputaient pas, car elles étaient amies et parce que bien sûr toutes ces questions étaient complexes. Et elles cheminaient, la tête toujours tournée vers le ciel et la lumière de la Voie lactée, qu’elles appelaient Le don du coléoptère.

Christine L.

Tag(s) : #Textes de participants, #Textes de l'atelier, #Christine L., #La voie Lactée
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