Je parle des cailloux ramassés sur un chemin ou au bord d’une route. Main désœuvrée qui se saisit d’un moment d’éternel, le tâte, le caresse et en éprouve les arêtes avant de le laisser retomber au sol, déjà oublié. Seuls quelques rares élus ne sont pas rejetés et dans un élan d’enfance, coulent à jamais dans une poche ou un sac.
Je parle des pierres que l’on dépose avec amour, précaution et respect sur les tombes pour signaler à tous que ce défunt-là n’est pas oublié. La permanence du minéral en écho à celle de la mémoire.
Je parle des pierres brutes, brutales qui, lancées contre les monstres d’acier et de feu, éclatent de rage.
Je parle des pierres plates qui font des ricochets sur les eaux étales de la mer au coucher du soleil et qui font tant rire les petits enfants.
Je parle des pierres lisses des rivières, charriées par les eaux transies de la fonte des neiges et des orages d’automne. Paisibles galets parfaits qui abritent et cachent les truites sauvages.
Je parle des pierres moussues de ce petit mur écroulé d’un jardin campagnard. Un mur, seul, inutile sauf à l’œil attendri, un mur de rêveur solitaire.
Dominique B.