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Ce matin, j’ai buté Charlotte. Qu’est-ce qu’elle a fait Charlotte pour mériter ça ? Rien. Charlotte frôle la perfection.

Appuyé sur ma houe, je regarde l’endroit où j’ai enterré Charlotte. Elle repose, au frais, dans sa cachette. Le sol souple et meuble forme un monticule derrière la maison, dans un coin cerné par de la charmille, à l’abri du vent d’ouest.

En juin, il arrive que même en Normandie, il ne pleuve pas. Les potagers voient éclore des êtres étranges et souriants, habillés de filets, de piquets, de râteaux et de bêche. Leurs couleurs ternes varient peu du bleu salopette au vert bouteille des sabots en plastique.

Des graines, des tubercules et des racines disparaissent dans une couche d’humus mélangé au sol, à une profondeur variable. Un arrosoir plus tard, il suffit de se pencher un peu pour entendre chuchoter. Dans les mottes tamisées, l’avenir se dessine en promesses verdoyantes.

Il suffit de rester là, un petit moment à respirer cette odeur inimitable d’un sol nourri et ensemencé. Après le passage par le dessous des pieds légèrement enfoncés, monte l’énergie tellurique venue comme la sève nourrir la plante pensante. Le ciel tire la substantifique moelle pour l’entrainer dans le domaine du rêve. Gaïa et Ouranos se parlent doucement par le canal bienheureux d’un corps debout, décidé et comblé.

Pourtant, sous les ongles endeuillés, la trace du crime laisse une empreinte que l’hygiène pasteurisée réprouve.

Charlotte, ma Charlotte, ma petite deviendra grande. J’aimerai ta famille, tes excroissances, tes rondeurs excessives. Et dans quelques temps, ta chair jaune deviendra ferme, je respirerai sur ta peau fine des serments de purée parmentière.

Parce que Charlotte, ton parfum le plus doux, c’est celui de la terre.

Valérie W.

Tag(s) : #Textes de l'atelier, #Textes de participants, #Valérie W., #Autobiographie et Nature
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