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Un auteur, Emil Szittya passa les années de la guerre de 40 pendant l’Occupation à recueillir les rêves de ses contacts et des personnes rencontrées au hasard, 82 rêves qui traduisaient en quelque sorte leur vécu. Il en fit plus tard un recueil insolite d’histoires de rêve, courtes, qui offrent de brèves échappées sur le point de vue pendant la guerre de différents milieux, âges, contextes et comportements qui y ont parallèlement droit de cité.

Le rêve d’un aviateur qui allait être décoré pour fait de bravoure tourne autour du sentiment de cet homme de sa difficulté à analyser ce qui l’avait fait agir ainsi. Il avait l’impression qu’il aurait tout à fait pu agir autrement et faire preuve de lâcheté ou tout simplement du désir de sauver sa vie. Il vivait cela comme perturbant et problématique par rapport à la médaille qu’il recevait.

Les situations de danger interrogent le courage, voire l’héroïsme. Mais dans quelles arcanes, quelle obscurité ceux-ci trouvent-ils leurs ressources ?

Bien sûr, il y a tout le contexte social. Ainsi, j’ai été étonnée d’apprendre qu’aux USA la figure du héros était très forte au moment de la deuxième guerre mondiale. Il existait une pression sociale importante. Ceux qui s’engageaient étaient valorisés à l’extrême. James Stewart et Cary Grant se sont engagés dans l’aviation. John Wayne, qui ne le fit pas, continua à jouer dans différents films, il porta toute sa vie le poids de cette « faiblesse » et le réalisateur qui l’avait rendu célèbre et était son mentor, John Ford, le lui reprocha régulièrement. Je comprenais mieux le fait que mon père, qui était américain, se soit engagé volontairement ainsi que son frère et qu’ils aient passé trois ans dans l’armée américaine de 1941 à 1944 et participé à la campagne d’Italie.

Mais il y a en situation un mystère de la décision de l’être dans les réactions imprévisibles au danger, qui rappelle ce que Freud nommait « le choix de la névrose » : au moment d’aller vers la névrose le sujet se tourne, se laisse emporter dans une sorte de choix qui marque un moment de bascule où s’inscrit une part de liberté dans un ensemble de déterminations, comme il est possible également de le voir chez une personne qui va vers un épisode dépressif. Lacan dit une fois que la dépression ressemblait à une lâcheté, sans y mettre d’ailleurs une désapprobation, plutôt comme un constat, semble-t-il.

Les réactions face au danger portent aussi la marque du geste ou de l’action juste, adéquate. Il est des moments où par une spontanéité qui vient de loin une personne réagit à un potentiel accident en l’évitant au dernier moment. Mystère en acte qui vient de la conjonction du savoir antérieur du sujet, de son analyse instantanée de l’événement et d’une sorte d’énergie de la réactivité, marquant une radicalité intrinsèque de la décision.

Dans un autre registre, celui du rapport à l’autre en danger, l’état émotionnel qui précède peut d’après mon expérience influer sur la décision d’intervenir. Etre en colère pour d’autres raisons rend la décision plus facile, ainsi être en colère sur la situation générale des femmes rend plus évidente d’intervenir malgré le danger dans la rencontre d’une situation de violences concrète. Par contre, se sentir absorbée par des pensées moroses, un certain mal-être, une forme de sentiment nébuleux de distanciation vis-à-vis de la réalité peut mener à ne pas réagir et à se le reprocher ensuite lorsqu’il est loisible d’analyser le pourquoi et le comment de cette apathie.

Le manque d’intervention face à une invasion ou une guerre relève-t-il de cet endormissement, comme l’épisode de la rencontre de Daladier et Chamberlain avec Hitler et Mussolini et les accords de Munich en septembre 1938 livrant la Tchécoslovaquie à Hitler ? Daladier pensait être accueilli par des huées, mais fut acclamé par le peuple français comme s’il s’agissait d’une réussite qui allait le protéger de l’expansionnisme guerrier.

Les états de conscience, de vigilance influent sur les décisions, sur des choix ayant comme caractère particulier l’instantanéité. Peut-on les maîtriser consciemment, ce n’est pas sûr et c’est probablement ce qu’exprimait l’aviateur qui recevait une décoration pour bravoure.

Ce qui vient de l’inconscient peut également jouer un rôle, rappel dans un flash de situations de l’enfance, d’enjeux perdus, oubliés, de signifiants spécifiques, qui sont le bagage de chacun.e. Le terme action prend alors une signification qui le détache en partie de ce qu’il exprime dans la vie courante. Le sujet est à la fois responsable et dépassé par son acte. C’est ce qu’exprime, me semble-t-il, l’expression de Freud du « choix de la névrose », qui à la fois implique une forme de décision du sujet et la résultante de forces complexes en grande partie inaccessibles à la compréhension.

Christine L.

 

Tag(s) : #Christine L., #Textes de participants, #Le danger
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