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            L’année 1812 s’achève, l’armée de l’empire est en déroute, une vraie Bérézina. Les soldats ont des engelures aux pieds, des poux dans la tête, ils souffrent de la faim et du froid. De multiples épidémies déciment les troupes françaises. Napoléon regagne Paris et lance une nouvelle mobilisation de 350 000 hommes. En mars 1813 la Prusse lui déclare la guerre, l’armée russe franchit l’Elbe. Dans sa cuisine la mère d’Alexandre Dumas prépare un haricot de mouton. Par son talent culinaire, elle espère amadouer les Prussiens et les terribles cosaques. 
        Doux comme un agneau dit le dicton populaire, offrir un jeune mouton en pâture apaiserait les loups affamés ? Dans sa fable Monsieur de la Fontaine nous met en garde «  la raison du plus fort est  toujours la meilleure »  les loups et les hommes sont des bêtes cruelles dont il faut se méfier. 
         Selon la Genèse, pour obéir à l’injonction divine, Abraham s’apprête à sacrifier son fils. L’envoyé de Dieu arrête son geste, à la place de l’enfant, le patriarche  immole un pauvre bélier caché dans un fourré. Au printemps toutes les traditions célèbrent le renouveau. Dans les trois religions issues d’Abraham, l’agneau est le mets de choix, aussi bien à la pâque juive que chrétienne. A  l’Aïd les musulmans sacrifient un mouton selon un rite précis et le partagent en famille. 
        Le samedi saint nous célébrions aussi l’agneau pascal. Cela débute par une veillée, le curé a préparé un grand feu au bas des marches de l’église. Le Christ est ressuscité, il allume un immense cierge, signe de force de vie. L’enfant que j’ai été aime particulièrement cette cérémonie où le païen et le sacré s’entremêlent. Le lendemain, tout est prêt pour le festin de Pâques. Les filles ont équeuté les haricots, la mère a acheté le gigot et commandé le gâteau. Le fils veille sur le feu et le père d’un geste large aiguise son couteau avec le fusil. Comme je n’aime pas la viande saignante, mon père me réserve la souris. Ce rituel pascal s’est renouvelé au fil du temps. Entre amis nous nous réunissions autour d’une épaule de mouton aux deux haricots. En toute intimité nous nous réjouissons d’un carré d’agneau au miel et au cumin. 

        Revenons à ici et maintenant : en cette fin d’année 2023, dans toute l’Europe les sapins se parent, les dindes se fourrent, les cadeaux foisonnent. Là bas au Moyen orient, au creuset de notre civilisation, au pays d’Abraham, les loups avides massacrent toujours les innocents moutons. 

Françoise L.
 

Tag(s) : #Françoise 2L, #Textes des participants, #Haricot de mouton
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