Au commencement règne la nuit.
Son manteau recouvre toute la surface du globe, un manteau épais de noir immaculé.
Les hommes ploient sous le poids de l’obscur. Leurs maigres silhouettes rasent les murs, un silence opaque frappe les ruelles, les volets sont clos, les portes se ferment. A voix basse les araignées tissent leur toile.
Seules les chauves souris, les chats-huants et les salamandres tachetées osent défier les ténèbres.
Un matin, la lumière jaillit, aveuglante et crue, repoussant la nuit. Zeus ou d’autres dieux l’ont décidé ainsi, ils veulent gouter à la puissance du jour. Trop d’ombre nuit. Madame la Nuit est bannie.
Le soleil domine en maître absolu, brulant les champs de blé, asséchant les rivières.
Les hommes éblouis, bombent le torse, construisent d’immenses palais, rivalisent d’extravagance, se prennent pour des demi-dieux. La loi du plus fort domine. Les faibles sont esclaves.
Sous ce climat aride le rat des sables s’affaire, le serpent à sonnettes cherche sa proie, en toute discrétion le scorpion noir se faufile.
Il faut intervenir. Les dieux envoient un messager. La nuit doit affronter l’astre du jour. Ce combat acharné dure des jours et des nuits. Le rouge embrase le noir, les éclairs déchirent le voile des ténèbres. Les volcans grondent, éruption de lave en fusion. Le tonnerre riposte avec fracas, pluie de cendres grises. Cette longue lutte épuise la nuit, elle exige une trêve, son adversaire ne l’entend pas ainsi, ce corps à corps le séduit.
Zeus convoque l’Olympe, leur planète se meurt. Dans le secret des dieux, un accord est conclu. Le jour succèdera à la nuit, de leur union naîtront quatre saisons.
En gage de promesse, les dieux font deux présents à la Reine de l’ombre, la lune et les étoiles.
A l’astre solaire, ils offrent la blancheur de l’aube, les nuances de l’aurore, ils ajoutent l’étreinte du crépuscule pour embrasser sa belle.
Depuis ce temps, règne le jour ou la nuit.
A la pleine lune, Dame nuit se fait claire, les autres soirs elle n’est que ciel étoilé.
Une légèreté dans l’air, un parfum de plaisir, primevères du soir et fleurs de minuit s’épanouissent.
Au gré des lunes les marées vont et viennent, sous les étoiles le marin garde son cap.
Les hommes retrouvent leur ombre, les femmes leur désir, les enfants la joie.
Les espèces se multiplient, les fruits abondent, la nature foisonne, la terre respire. La planète revit.
Au fil des saisons le monde se pare de couleurs, vert fringant de printemps, brune d’automne. L’hiver règne du clair-obscur, l’été fête de la lumière.
A la tombée de la nuit le soleil rougeoie en un dernier éclat, laissant place à sa reine, qui elle se retire au point du jour, en un ultime adieu.
Epousailles fragiles, mariage des contraires, union intime et sacrée, alliance du jour et de la nuit, l’ombre et la lumière.
Françoise L.