Le bruit avait couru tout le jour, la nouvelle s’était répandue de sentier en sentier, de cime en cime.
Des amants prévoyaient une nuit d’été à la belle étoile, au creux des rochers, dans cette forêt de Fontainebleau.
Alors comme chaque soir, j’avais déployé mon manteau de suie.
J’étais descendue peu à peu vers ce paysage minéral, tacheté de verts.
J’avais aperçu, à l’heure bleue, au détour d’une piste de varappe,
sinuant entre les arbres dispersés,
les roches grises et encore tièdes,
les amants balbutiants.
J’avais distingué
le repas frugal à même le sol
les enlacements,
la frilosité montante.
J’avais foncé l’anthracite, les pressant involontairement dans leurs préparatifs.
Alors, ils avaient rapidement organisé des couches sommaires,
étendu les duvets doux et voluptueux.
Je pouvais percevoir les rires excités et nerveux.
J’avais convoqué pour cet évènement mon globe lumineux, mes astres.
La lune bienveillante éclairait cette scène inédite.
Ils étaient allongés côte à côte, visage vers le ciel, main dans la main.
Je me sentais à la fois puissant et généreux.
Et puis, était venu l’affront.
Défiant mes fidèles étoiles,
ils avaient disposé une à une, autour de leur lit provisoire, des minuscules bougies
au sommet des pierres arrondies, éphémère couronne, insolente chenille lumineuse.
Alors, après longue réflexion, j’avais envoyé un peu de brouillard, de brume très matinale,
sur les amant endormis.
Peu avant l’aube, ils découvrirent les lumignons éteints, la cire liquide peu à peu solidifiée, le frimas inattendu.
Ils repartirent plus vite que prévu, légèrement déçus, pendant que je prenais la pause pour quelques heures avec une satisfaction un peu coupable.
Elisabeth Dequaire