Naissances du bonheur. A l’aube des temps, le printemps était libre, tout soleil inspirait la gaîté, la plénitude des espaces et des atmosphères fraîches et utopiques. L’évolution s’éveillait d’un long sommeil, les fougères se développaient, premières dans l’apparition de la flore, les conifères, puis de grands insectes, des poissons volants, les habitants de l’eau émigraient vers la terre. Le silence remplissait l’épaisseur des forêts, accompagnait le glissement de l’eau sur les pierres des ruisseaux, les frottements de la faune à la surface des prairies et des étendues de sable. La nature évoluait sur des milliers d’années, dans une plénitude consciente d’elle-même, redoutant cependant les périodes glaciaires, les sécheresses, les vents et les ouragans, les chutes de météorite, mais uniquement préoccupée de se reproduire et de consacrer son intelligence à évoluer. Ainsi également, la petite enfance est ce lent passage qui mène de la naissance maternelle vers une évolution faite de longues interrogations, de passivités non élaborées, de stations, de réveils brusques, d’accumulation et de perte, d’abandons et de découvertes. C’est dans le silence que naît le psychisme, fait d’un temps distendu, distrait et pourtant attentif où s’enregistre le bruit des vagues, la pulsion des nuits chaudes du Sud ; l’envers des décors à découvrir reste souvent incertain ; il y a peu de méthode, de formules, de démonstrations, mais des formes de bonheur fugaces, de sentiments disproportionnés au vu d’une hellébore, d’une pâquerette, d’un chien, d’une libellule, d’une flaque d’eau où patauger. C’est la perception de la nature autant que celle de la société qui nous éduque ; elles se contredisent, s’évoquent, se révoquent, s’entrelacent pour former dans ce temps sans beaucoup de conscience un réservoir de fragments de vie, de souvenirs, de mystères et parfois d’harmonie qui continue à nous habiter.
Christine L.